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Vous et moi, quand nous ouvrons la fenêtre le matin, nous regardons le ciel, les toits, les arbres, nous écoutons la tourterelle qui roucoule, les voisins qui jacassent... Chez eux, dans leur pavillon centenaire, la fenêtre donne sur un grand bureau adossé au mur en pierre, une pièce encombrée d'écrits et d'imagination. Ce dedans-dehors leur convient bien : Loïc Choneau et Chantal Leliève, comme toute l'équipe du Quidam-Théâtre, voient la société de l'intérieur, de l'intime.
Le premier à entrer sur scène, c'est lui. Loïc Choneau. Le fils de linotypiste de Ouest-France commence le théâtre à 16 ans dans l'un de ces "Mille Clubs" lancés en 1967 par le pouvoir gaulliste pour canaliser les jeunes, nombreux et turbulents. Ce n'est pas idiot mais ça n'empêchera pas mai 68 puis les fiévreuses années 70 où Loïc Choneau, pétri d'éducation populaire, n'est pas le dernier à batailler contre le remembrement ou le nucléaire.
Le premier à entrer sur scène, c'est lui. Loïc Choneau. Le fils de linotypiste de Ouest-France commence le théâtre à 16 ans dans l'un de ces "Mille Clubs" lancés en 1967 par le pouvoir gaulliste pour canaliser les jeunes, nombreux et turbulents. Ce n'est pas idiot mais ça n'empêchera pas mai 68 puis les fiévreuses années 70 où Loïc Choneau, pétri d'éducation populaire, n'est pas le dernier à batailler contre le remembrement ou le nucléaire.
Un maître : Augusto Boal - (CC) Jonathan McIntosh
Un saltimbanque docteur en psycho
Théâtre donc au Mille-Club, à Saint-Grégoire, à la lisière de Rennes, avec un "Groupe d'Animation et de Théâtre" issu du théâtre de patronage et qui deviendra un peu plus tard le Théâtre de la Gâterie.
A dire vrai, jouer n'est pas ce qui le branche le plus. Lui, c'est plutôt écrire, mettre en scène. Et quand, autour de ses 20 ans, il rencontre Augusto Boal et son Théâtre de l'Opprimé, alors là c'est « le choc, le théâtre-forum, la mise en mouvement, "penser par soi-même" », s'enthousiasme-t-il encore ce matin.
Après, c'est quatre vies parallèles qui se croisent, si l'on ose l'antinomie, chez le même homme. 1, Il devient instituteur en primaire. 2, Il rencontre Chantal, instit' elle aussi. 3, Il mène cinq ans durant une recherche en psycho : il la conclut en 1990 par une thèse de doctorat dirigée par le professeur Loik M. Villerbu, "Clinique du personnage", dont le résumé démontre le fond de jeu du saltimbanque. 4, Le théâtre bien sûr.
A dire vrai, jouer n'est pas ce qui le branche le plus. Lui, c'est plutôt écrire, mettre en scène. Et quand, autour de ses 20 ans, il rencontre Augusto Boal et son Théâtre de l'Opprimé, alors là c'est « le choc, le théâtre-forum, la mise en mouvement, "penser par soi-même" », s'enthousiasme-t-il encore ce matin.
Après, c'est quatre vies parallèles qui se croisent, si l'on ose l'antinomie, chez le même homme. 1, Il devient instituteur en primaire. 2, Il rencontre Chantal, instit' elle aussi. 3, Il mène cinq ans durant une recherche en psycho : il la conclut en 1990 par une thèse de doctorat dirigée par le professeur Loik M. Villerbu, "Clinique du personnage", dont le résumé démontre le fond de jeu du saltimbanque. 4, Le théâtre bien sûr.
"Par et pour les gens"
Chantal et Loïc sont donc maintenant ensemble sur la scène. Chantal, poursuivant elle-même des études d'info-com, ils sont tous les deux instituteurs à mi-temps. L'inspection académique, très fleur bleue comme l'on sait, marie leurs deux emplois en les nommant dans la même école : quand Loïc est en décharge de direction, Chantal prend la relève.
Mais tel Don Quichotte, Loïc chevauche de nouveaux projets, Don Quichotte qu'il adapte d'ailleurs au Théâtre de la Gâterie en 2002. Le mardi soir, il suit les cours de l'anthropologue et linguiste Jean Gagnepain, pionnier de la médiation. Un colloque national à Rennes où troupes de théâtre, philosophes et psychologues échangent sur la théâtralisation du social enracine aussi sa démarche. Et le théâtre-forum d'Augusto Boal est toujours là au fond de la scène.
Alors, en 2005, le psychologue scolaire que Loïc Choneau est entre-temps devenu, saute le pas. Le rideau s'ouvre sur une nouvelle compagnie, Quidam-Théâtre, et quinze années de créations engagées : "Une exploration de la société par et pour les gens."
Mais tel Don Quichotte, Loïc chevauche de nouveaux projets, Don Quichotte qu'il adapte d'ailleurs au Théâtre de la Gâterie en 2002. Le mardi soir, il suit les cours de l'anthropologue et linguiste Jean Gagnepain, pionnier de la médiation. Un colloque national à Rennes où troupes de théâtre, philosophes et psychologues échangent sur la théâtralisation du social enracine aussi sa démarche. Et le théâtre-forum d'Augusto Boal est toujours là au fond de la scène.
Alors, en 2005, le psychologue scolaire que Loïc Choneau est entre-temps devenu, saute le pas. Le rideau s'ouvre sur une nouvelle compagnie, Quidam-Théâtre, et quinze années de créations engagées : "Une exploration de la société par et pour les gens."
"Matthieu et Mireille" © Quidam
Des moments forts de la vie jusqu'aux plus dramatiques
Chantal prend la présidence de l'association. Elle est maintenant documentaliste en collège et elle « aime par-dessus tout les projets avec les profs. » Question projets, elle va être servie avec Loïc et Isabelle séné, cofondatrice de la compagnie et première actrice, puis une seconde, Chantal Kernéis.
Ça commence fort dès 2006 avec, dans la veine sociale, "Jour de fête à Grand Abattoir" à partir de témoignages d'ouvriers de l'agro-alimentaire et, dans la veine féministe, "Flavy Kazetenn", une artiste peintre imaginaire née en 1920 dans une ferme que Loïc Choneau sort de l'anonymat : « Les gens "marchaient" , certains sont allés voir sur Internet... »
« J'ai toujours bien aimé travailler le vrai et le faux, poursuit-il, mais plus c'est allé plus on a présenté des personnages de gens qui existent. » Des moments forts de la vie jusqu'aux situations les plus dramatiques. "C'est mon histoire" rapporte la parole de trois personnes en précarité. "Tu te prends pour qui ?" rend compte de la violence conjugale. "Matthieu et Mireille" parle du vieillissement.
Et il y a, en 2013, "Je te veux impeccable", le cri d'une femme, prise dans une tragédie, l'histoire vraie de Rachel Jouvet que l'on peut retrouver sur Histoires Ordinaires dans ce reportage d'Agnès Blaire. « Un spectacle fort, ça pleurait de partout », se rappelle Loïc Choneau. Loïc a écrit le texte après de longs entretiens avec Rachel Jouvet. Et, après la pièce, jouée une cinquantaine de fois à ce jour par Isabelle Séné, le public peut échanger avec Rachel elle-même.
Ça commence fort dès 2006 avec, dans la veine sociale, "Jour de fête à Grand Abattoir" à partir de témoignages d'ouvriers de l'agro-alimentaire et, dans la veine féministe, "Flavy Kazetenn", une artiste peintre imaginaire née en 1920 dans une ferme que Loïc Choneau sort de l'anonymat : « Les gens "marchaient" , certains sont allés voir sur Internet... »
« J'ai toujours bien aimé travailler le vrai et le faux, poursuit-il, mais plus c'est allé plus on a présenté des personnages de gens qui existent. » Des moments forts de la vie jusqu'aux situations les plus dramatiques. "C'est mon histoire" rapporte la parole de trois personnes en précarité. "Tu te prends pour qui ?" rend compte de la violence conjugale. "Matthieu et Mireille" parle du vieillissement.
Et il y a, en 2013, "Je te veux impeccable", le cri d'une femme, prise dans une tragédie, l'histoire vraie de Rachel Jouvet que l'on peut retrouver sur Histoires Ordinaires dans ce reportage d'Agnès Blaire. « Un spectacle fort, ça pleurait de partout », se rappelle Loïc Choneau. Loïc a écrit le texte après de longs entretiens avec Rachel Jouvet. Et, après la pièce, jouée une cinquantaine de fois à ce jour par Isabelle Séné, le public peut échanger avec Rachel elle-même.
Une Conférence décalée - © Quidam
"On amène un décalage théâtral, ça dédramatise"
Juste avant la première de "Je te veux impeccable", une autre forme théâtrale vient de naître : la "Conférence décalée". Et c'est par là que la compagnie Quidam va surtout s'imposer. La marque de fabrique reste toujours un peu la même. Cette fois, Quidam répond à une demande, celle d'une association ou d'une collectivité cherchant à exposer une question souvent difficile.
Loïc interviewe, écrit un texte qu'il fait valider par les intéressés. Les deux comédiennes apportent leur créativité, Loïc arrête la mise en scène. « On amène un décalage théâtral, sensible, humoristique, ça dédramatise la parole pour la suite », pour le débat organisé par l'association.
Les "Conférences décalées" ont connu rapidement un beau succès. Une trentaine ont eu lieu durant la seule année 2018 sur les sujets les plus divers. A tout cela, il faudrait ajouter dans le même esprit les "Livrets de paroles" (une vingtaine aujourd'hui) ou "Les poésies soufflées" : ce ne sont pas les idées et l'énergie qui manquent au tandem suractif.
Loïc interviewe, écrit un texte qu'il fait valider par les intéressés. Les deux comédiennes apportent leur créativité, Loïc arrête la mise en scène. « On amène un décalage théâtral, sensible, humoristique, ça dédramatise la parole pour la suite », pour le débat organisé par l'association.
Les "Conférences décalées" ont connu rapidement un beau succès. Une trentaine ont eu lieu durant la seule année 2018 sur les sujets les plus divers. A tout cela, il faudrait ajouter dans le même esprit les "Livrets de paroles" (une vingtaine aujourd'hui) ou "Les poésies soufflées" : ce ne sont pas les idées et l'énergie qui manquent au tandem suractif.
Le virus et le confinement sur scène
Les deux anciens de l'Éducation nationale mais « sûrement pas retraités, ah non ! » aimeraient bien quand même pouvoir pérenniser en emploi à mi-temps : le contrat de professionnalisation de Pauline, en master 2 d'Economie sociale et solidaire. « Ça nous stabiliserait », dit Chantal.
Confinés, Chantal Lelièvre et Loïc Choneau se sont sans doute surpris à rêver parfois. Ils ont surtout poursuivi l'ouvrage, sans trop se lamenter sur la bonne quinzaine de dates reportées espèrent-ils à l'automne. Loïc a pris des notes, écrit et cela va déboucher sur un nouvelle "Conférence décalée" organisée en deux séquences : l'une sur ce foutu virus, la seconde sur le confinement lui-même.
Et puis, un autre beau projet a pu reprendre : l'adaptation de l'ouvrage "Les Discrètes" d'Anne Lecourt (que l'on peut retrouver dans ce reportage de Marie-Anne Divet). Il y a là, avec ces mères et grand-mères bretonnes, discrètes mais annonciatrices des libérations à venir, un beau thème de théâtre réflexif pour le 8 mars 2021...
Michel Rouger
Confinés, Chantal Lelièvre et Loïc Choneau se sont sans doute surpris à rêver parfois. Ils ont surtout poursuivi l'ouvrage, sans trop se lamenter sur la bonne quinzaine de dates reportées espèrent-ils à l'automne. Loïc a pris des notes, écrit et cela va déboucher sur un nouvelle "Conférence décalée" organisée en deux séquences : l'une sur ce foutu virus, la seconde sur le confinement lui-même.
Et puis, un autre beau projet a pu reprendre : l'adaptation de l'ouvrage "Les Discrètes" d'Anne Lecourt (que l'on peut retrouver dans ce reportage de Marie-Anne Divet). Il y a là, avec ces mères et grand-mères bretonnes, discrètes mais annonciatrices des libérations à venir, un beau thème de théâtre réflexif pour le 8 mars 2021...
Michel Rouger