« L’urgence, c’est de prendre une chaise pour s’asseoir et réfléchir, d’où le nom du théâtre de la Chaise rouge » © Marion Bastit
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Toux ceux qui ont fait la route entre Rennes et Angers ont sans doute déjà vu cette énorme chaise rouge, semblant tomber du ciel au milieu d’un rond-point. C’est l’emblème de La Chaise rouge, théâtre fondé par Patrick Cosnet en 1992. Installé à Pouancé, en Maine-et-Loire, l'ancien agriculteur devenu comédien sillonne chaque été le Grand Ouest avec son festival de théâtre Fermes en scène.
Rencontré cet été, entre deux dates du festival, Patrick Cosnet commence par une visite de la ferme de la Chaise rouge, un lieu hybride. Outre le théâtre et l’auberge du même nom, qui accueillent 70 repas-spectacles par an, elle abrite également un maraîcher, une éleveuse de moutons, des poules pondeuses et même un centre équestre, qui reçoit ce matin-là un groupe d’adultes handicapés.
« Ça fait plus de 30 ans qu’on est un tiers-lieu sans le savoir, résume malicieusement Patrick Cosnet. Un tas de gens différents sont ici comme chez eux. » Une tradition qui remonte à sa plus tendre enfance, dans une famille d’agriculteurs du petit village de La Quinte, près du Mans. « Chez nous, on accueillait tous les gens qui passaient », se souvient-il. Ses parents, qu’il qualifie d’ « engagés » - son père a longtemps été maire de leur village - lui ont transmis « cette philosophie d’accueillir l’autre quel qu’il soit, d’aimer les gens. Les autres nous intéressent, surtout s’ils sont différents. C’est plus intéressant car on apprend les uns des autres. Encore aujourd’hui, à 95 ans, ma mère a toujours plein de monde qui vient la voir, des jeunes, des vieux… ça défile ! »
Rencontré cet été, entre deux dates du festival, Patrick Cosnet commence par une visite de la ferme de la Chaise rouge, un lieu hybride. Outre le théâtre et l’auberge du même nom, qui accueillent 70 repas-spectacles par an, elle abrite également un maraîcher, une éleveuse de moutons, des poules pondeuses et même un centre équestre, qui reçoit ce matin-là un groupe d’adultes handicapés.
« Ça fait plus de 30 ans qu’on est un tiers-lieu sans le savoir, résume malicieusement Patrick Cosnet. Un tas de gens différents sont ici comme chez eux. » Une tradition qui remonte à sa plus tendre enfance, dans une famille d’agriculteurs du petit village de La Quinte, près du Mans. « Chez nous, on accueillait tous les gens qui passaient », se souvient-il. Ses parents, qu’il qualifie d’ « engagés » - son père a longtemps été maire de leur village - lui ont transmis « cette philosophie d’accueillir l’autre quel qu’il soit, d’aimer les gens. Les autres nous intéressent, surtout s’ils sont différents. C’est plus intéressant car on apprend les uns des autres. Encore aujourd’hui, à 95 ans, ma mère a toujours plein de monde qui vient la voir, des jeunes, des vieux… ça défile ! »
A la ferme devenue l’auberge de la Chaise rouge. « On a créé un lieu qui fait du bien aux gens et à la nature. On a planté plus de 1 000 arbres ici. » © Marion Bastit
Première rencontre avec le théâtre au lycée
Adolescent, Patrick Cosnet quitte son village pour aller étudier au lycée agricole de Laval. « J’ai eu la chance de rencontrer l’éducation socioculturelle. » Créée dans les années 1960 par le ministre de l’Agriculture Edgar Pisani, cette discipline est au programme de tous les lycées agricoles. Objectif : faire des agriculteurs, alors majoritaires dans le monde rural, ceux qui animent leur territoire.
« Dans chaque établissement, il y avait un centre culturel, un centre hippique et un terrain de tennis, raconte Patrick Cosnet. Nous qui ne connaissions pas tout ça, au début on regardait ça avec de grands yeux en se disant que ce n’était pas pour nous, et puis au bout de trois ans on se disait que si, c’était pour nous. » Une revanche pour celui qui avait renoncé, enfant, à la musique faute de cours dans son village.
Grâce au lycée, le jeune homme apprend la photographie, voit ses premières expositions de peinture… et sa première pièce de théâtre, un souvenir marquant. « C’était L’Usine éclatée, une pièce avec trois fins possibles : tuer le patron, reprendre l’usine ou s’arrêter pour réfléchir. J’ai trouvé incroyable de voir comment, en une heure de temps, on pouvait amener autant de réflexion. » C’est ce qui le guidera dans l’écriture de ses premières pièces, deux décennies plus tard.
Après l'Europe des fermes en stop, paysan en GAEC
« Dans chaque établissement, il y avait un centre culturel, un centre hippique et un terrain de tennis, raconte Patrick Cosnet. Nous qui ne connaissions pas tout ça, au début on regardait ça avec de grands yeux en se disant que ce n’était pas pour nous, et puis au bout de trois ans on se disait que si, c’était pour nous. » Une revanche pour celui qui avait renoncé, enfant, à la musique faute de cours dans son village.
Grâce au lycée, le jeune homme apprend la photographie, voit ses premières expositions de peinture… et sa première pièce de théâtre, un souvenir marquant. « C’était L’Usine éclatée, une pièce avec trois fins possibles : tuer le patron, reprendre l’usine ou s’arrêter pour réfléchir. J’ai trouvé incroyable de voir comment, en une heure de temps, on pouvait amener autant de réflexion. » C’est ce qui le guidera dans l’écriture de ses premières pièces, deux décennies plus tard.
Après l'Europe des fermes en stop, paysan en GAEC
Mais à la sortie du lycée, Patrick Cosnet est encore loin de s’imaginer comédien. Son bac en poche, il part faire le tour d’Europe en stop. Il visite des fermes au Danemark, en Angleterre… « J’ai vu des gens qui vivaient autrement, qui pensaient autrement, et qui pour autant étaient très gentils et très accueillants. Ça a été une révolution dans ma tête. J’ai réalisé que sans les autres, on n’est rien. On a besoin des autres pour exister, pour se confronter, pour inventer. »
De retour en France, il reprend une ferme en Mayenne, puis s’installe en Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) à Pouancé, où il élève des vaches laitières. On est dans les années 1970. « A l’époque, on mettait beaucoup d’engrais, beaucoup de produits chimiques, se rappelle-t-il. On avait été éduqués comme ça dans les lycées agricoles. »
Il critique vertement la FNSEA. « C’est le seul syndicat qui emmène ses adhérents dans le mur. » Il participe à un système aux conséquences tragiques. « Le nombre de suicides d’agriculteurs aujourd’hui, c’est catastrophique ! Comment leur faire comprendre que l’agrandissement ne résout rien, parce qu’on risque de tomber de plus haut, et que les grosses structures sont impossibles à transmettre ? »
« Ça fait 30 ans que je me dispute avec eux. Ils ne sont pas méchants, mais c’est difficile de changer de pensée. Ça nécessite d’avoir du temps pour réfléchir, de ne pas avoir de difficultés économiques sinon on ne peut pas penser. Les agriculteurs sont plus victimes que responsables du système », tempère-t-il.
De retour en France, il reprend une ferme en Mayenne, puis s’installe en Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) à Pouancé, où il élève des vaches laitières. On est dans les années 1970. « A l’époque, on mettait beaucoup d’engrais, beaucoup de produits chimiques, se rappelle-t-il. On avait été éduqués comme ça dans les lycées agricoles. »
Il critique vertement la FNSEA. « C’est le seul syndicat qui emmène ses adhérents dans le mur. » Il participe à un système aux conséquences tragiques. « Le nombre de suicides d’agriculteurs aujourd’hui, c’est catastrophique ! Comment leur faire comprendre que l’agrandissement ne résout rien, parce qu’on risque de tomber de plus haut, et que les grosses structures sont impossibles à transmettre ? »
« Ça fait 30 ans que je me dispute avec eux. Ils ne sont pas méchants, mais c’est difficile de changer de pensée. Ça nécessite d’avoir du temps pour réfléchir, de ne pas avoir de difficultés économiques sinon on ne peut pas penser. Les agriculteurs sont plus victimes que responsables du système », tempère-t-il.
"La casquette du dimanche" © La Chaise Rouge"
Un spectacle inspiré par les histoires de ses voisins
C’est justement pour aider des paysans en difficulté financière que Patrick Cosnet monte sur scène pour la première fois, en 1990, lors d’un spectacle au profit de la ferme de l’Herberie, aujourd’hui devenue la ferme de la Chaise rouge. « On chantait sous les arbres là-bas, montre-t-il par la fenêtre du théâtre. Ça a marché du tonnerre ! Ça a été un déclic pour moi. »
Il décide alors d’écrire son premier spectacle, "La Casquette du dimanche". « Je voulais raconter comment on enterre les gens à la campagne, comment on accompagne nos morts. Ça nous rappelle qu’on est mortels, et qu’il faut faire attention à ce qu’on fait sur terre, philosophe-t-il. Mon vieux père n’avait pas du tout peur de mourir parce qu’il était en paix avec ce qu’il avait fait dans sa vie. »
Pour créer cette pièce, il va chercher le metteur en scène Jean-Luc Placé et le musicien Jacques Montembault, alors directeur de l’école de musique de Pouancé. « On a travaillé sur cette pièce pendant neuf mois, le soir après ma journée à la ferme », se souvient-il. Joué en 1991 au théâtre de Pouancé, le spectacle, un seul-en-scène, est un succès.
« On a été programmés au Centre dramatique national d’Angers, puis on est allé jouer pendant six mois au Lucernaire à Paris. On a fait le tour de France ! » Mais sa plus grande fierté, c’est la réaction de « Mémère », sa vieille voisine, dont les histoires ont largement inspiré la pièce. « Après le spectacle, elle s’est levée, s’est retournée vers le public, mains sur les hanches, et elle a dit : "Eh ben, on est comme ça ! " »
Patrick Cosnet s’est en effet nourri des récits de ses voisins, « Pépère » et « Mémère ». « Eux savaient écrire le théâtre naturellement, ils avaient le sens de l’impro, ils racontaient des choses drôles… La plupart des blagues du spectacle, ce sont eux qui les ont dites ! Quand ils sont morts en 2012, la même semaine, pour ne pas déranger, la dernière chose qu’elle m’a dite avant de mourir c’est : "Qu’est-ce qu’on a rigolé !" »
Il décide alors d’écrire son premier spectacle, "La Casquette du dimanche". « Je voulais raconter comment on enterre les gens à la campagne, comment on accompagne nos morts. Ça nous rappelle qu’on est mortels, et qu’il faut faire attention à ce qu’on fait sur terre, philosophe-t-il. Mon vieux père n’avait pas du tout peur de mourir parce qu’il était en paix avec ce qu’il avait fait dans sa vie. »
Pour créer cette pièce, il va chercher le metteur en scène Jean-Luc Placé et le musicien Jacques Montembault, alors directeur de l’école de musique de Pouancé. « On a travaillé sur cette pièce pendant neuf mois, le soir après ma journée à la ferme », se souvient-il. Joué en 1991 au théâtre de Pouancé, le spectacle, un seul-en-scène, est un succès.
« On a été programmés au Centre dramatique national d’Angers, puis on est allé jouer pendant six mois au Lucernaire à Paris. On a fait le tour de France ! » Mais sa plus grande fierté, c’est la réaction de « Mémère », sa vieille voisine, dont les histoires ont largement inspiré la pièce. « Après le spectacle, elle s’est levée, s’est retournée vers le public, mains sur les hanches, et elle a dit : "Eh ben, on est comme ça ! " »
Patrick Cosnet s’est en effet nourri des récits de ses voisins, « Pépère » et « Mémère ». « Eux savaient écrire le théâtre naturellement, ils avaient le sens de l’impro, ils racontaient des choses drôles… La plupart des blagues du spectacle, ce sont eux qui les ont dites ! Quand ils sont morts en 2012, la même semaine, pour ne pas déranger, la dernière chose qu’elle m’a dite avant de mourir c’est : "Qu’est-ce qu’on a rigolé !" »
"Samedi en huit" © La Chaise Rouge
Des pièces drôles qui font réfléchir
Petit à petit, le répertoire de la compagnie de Patrick Cosnet, devenu comédien à plein temps, s’élargit. Il passe de pièces tournées vers le monde rural d’antan - comme "Entre toutes les femmes", sur la solitude d’un curé dans son presbytère en 1975, ou "Samedi en huit", sur le rite du mariage à la campagne - à des spectacles qui abordent le quotidien des agriculteurs, comme "D’une seule traite", sur la production laitière, ou "Coup de tampon", sur les contrôles dans les fermes.
A chaque fois, l’objectif est double : faire rire les spectateurs mais aussi les faire réfléchir. « Vous vous rendez compte le temps que vous allez gagner ? Nous, on a travaillé pendant un an sur le sujet pour vous le résumer en une heure, lance Patrick Cosnet ! Le théâtre sert à expliquer, mais aussi à rassurer. On se dit qu’on n’est pas tout seul à penser ça, à avoir vécu ça. Ça nous relie aux autres. »
Ses pièces visent aussi à ouvrir le débat. « Le théâtre est un espace où on peut se disputer dans la bonne humeur. C’est très important. Quand on ne discute plus, qu’il n’y a plus de démocratie, on s’entretue. L’urgence, c’est de prendre une chaise, de s’asseoir autour d’une table et de discuter. C’est là qu’on trouve des solutions. » C’est le sens de la Chaise rouge - « parce qu’on est un peu rouges » - devenue l’emblème de son théâtre.
A chaque fois, l’objectif est double : faire rire les spectateurs mais aussi les faire réfléchir. « Vous vous rendez compte le temps que vous allez gagner ? Nous, on a travaillé pendant un an sur le sujet pour vous le résumer en une heure, lance Patrick Cosnet ! Le théâtre sert à expliquer, mais aussi à rassurer. On se dit qu’on n’est pas tout seul à penser ça, à avoir vécu ça. Ça nous relie aux autres. »
Ses pièces visent aussi à ouvrir le débat. « Le théâtre est un espace où on peut se disputer dans la bonne humeur. C’est très important. Quand on ne discute plus, qu’il n’y a plus de démocratie, on s’entretue. L’urgence, c’est de prendre une chaise, de s’asseoir autour d’une table et de discuter. C’est là qu’on trouve des solutions. » C’est le sens de la Chaise rouge - « parce qu’on est un peu rouges » - devenue l’emblème de son théâtre.
"La casquette de travers" © La Chaise Rouge
Une analyse du mal-être du monde agricole
La pièce "La Casquette de travers", créée en 2000 avec le ministre de l’Agriculture d’alors Jean Glavany, aborde ce qu’il appelle « la déculturation du monde agricole ». « On explique ce qui se passe vraiment dans la tête des agriculteurs. Ils ont perdu le rapport à la terre, aux rites, à la nature. Plus le tracteur est gros, plus on est loin de la nature. Plus la ferme s’agrandit, moins on a de voisins proches. »
« On joue toujours cette pièce, et malheureusement ça n’a pas beaucoup bougé, observe le comédien. Les agriculteurs souffrent d’un déficit de reconnaissance. Ils ont perdu le pouvoir politique dans les villages, où ils sont peu nombreux dans les conseils municipaux. Ils ont beaucoup de ressentiment, contre la société, contre les écolos... Mais ils se trompent de colère. Le vrai problème, c’est le libéralisme, qui met les gens en lutte les uns contre les autres et nous mène au fascisme. »
Patrick Cosnet observe, déconcerté, la montée du vote d’extrême-droite en France, lui dont le grand-père résistant a été déporté à Buchenwald. « On a un déficit d’éducation. Que les gens aient si peu de mémoire par rapport au nazisme, c’est incroyable. Je connais des gens dont la famille a été déportée et qui votent RN en disant : "On va essayer". Mais on n’essaye pas la folie ! »
Même à Pouancé, où il œuvre depuis plus de 30 ans, la candidate du Rassemblement national est arrivée en tête au premier tour des élections législatives de 2024. « La culture ne résout rien, constate-t-il, mais s’il n’y en avait pas, ce serait pire. Elle aide à la discussion, au débat. Le théâtre est une nourriture intellectuelle et émotionnelle pour nous aider à réfléchir et à vivre ensemble. »
« On joue toujours cette pièce, et malheureusement ça n’a pas beaucoup bougé, observe le comédien. Les agriculteurs souffrent d’un déficit de reconnaissance. Ils ont perdu le pouvoir politique dans les villages, où ils sont peu nombreux dans les conseils municipaux. Ils ont beaucoup de ressentiment, contre la société, contre les écolos... Mais ils se trompent de colère. Le vrai problème, c’est le libéralisme, qui met les gens en lutte les uns contre les autres et nous mène au fascisme. »
Patrick Cosnet observe, déconcerté, la montée du vote d’extrême-droite en France, lui dont le grand-père résistant a été déporté à Buchenwald. « On a un déficit d’éducation. Que les gens aient si peu de mémoire par rapport au nazisme, c’est incroyable. Je connais des gens dont la famille a été déportée et qui votent RN en disant : "On va essayer". Mais on n’essaye pas la folie ! »
Même à Pouancé, où il œuvre depuis plus de 30 ans, la candidate du Rassemblement national est arrivée en tête au premier tour des élections législatives de 2024. « La culture ne résout rien, constate-t-il, mais s’il n’y en avait pas, ce serait pire. Elle aide à la discussion, au débat. Le théâtre est une nourriture intellectuelle et émotionnelle pour nous aider à réfléchir et à vivre ensemble. »
Le théâtre comme prétexte à la rencontre
Pour porter ce message à travers la campagne du Grand Ouest, Patrick Cosnet a créé "Fermes en scène", un festival de théâtre itinérant. Chaque été depuis 2004, une scène installée sur une remorque agricole, tirée par un tracteur, va de ferme en ferme pour y jouer les spectacles du répertoire de la compagnie de la Chaise rouge, qui en compte désormais vingt-deux.
Chaque paysan choisit celui qu’il veut voir jouer chez lui. « L’idée, c’est d’amener au théâtre des gens qui n’y vont pas, et d’amener à la ferme des gens qui n’y vont pas. Les agriculteurs sont fiers de montrer leur ferme. C’est un prétexte à la rencontre entre quatre mondes : les villageois, les citadins, les agriculteurs et les artistes, pour se connaître et mieux se comprendre. »
Une recette qui fonctionne, avec une moyenne de 200 spectateurs par soirée, plus de 80 000 en 20 ans. « Plus de 50 % ne viennent jamais au théâtre, ou n’y seraient jamais allés, constate le comédien. Le fait de mettre du théâtre dans des lieux un peu atypiques autorise les gens à y aller. Ça rend le chemin plus facile. On a un vrai rôle politique d’éducation populaire. » Et de citer l’exemple de ce DJ de 35 ans, rencontré fin juin à Pouancé. « C’était la première fois de sa vie qu’il voyait du théâtre ! »
Installée depuis plus de 30 ans, la compagnie de la Chaise rouge est aujourd’hui bien intégrée dans le territoire. « C’est parce qu’on a cette maison, estime Patrick Cosnet. On est chez nous, on est autonomes. C’est important parce qu’on est libre de penser, on ne risque pas d’être mis dehors à cause d’un changement de majorité municipale. » D’abord locataire, la compagnie a créé une SAS (société par actions simplifiée) pour racheter le lieu en 2004. « Plus de 50 personnes ont mis des sous dedans », précise-t-il.
Chaque paysan choisit celui qu’il veut voir jouer chez lui. « L’idée, c’est d’amener au théâtre des gens qui n’y vont pas, et d’amener à la ferme des gens qui n’y vont pas. Les agriculteurs sont fiers de montrer leur ferme. C’est un prétexte à la rencontre entre quatre mondes : les villageois, les citadins, les agriculteurs et les artistes, pour se connaître et mieux se comprendre. »
Une recette qui fonctionne, avec une moyenne de 200 spectateurs par soirée, plus de 80 000 en 20 ans. « Plus de 50 % ne viennent jamais au théâtre, ou n’y seraient jamais allés, constate le comédien. Le fait de mettre du théâtre dans des lieux un peu atypiques autorise les gens à y aller. Ça rend le chemin plus facile. On a un vrai rôle politique d’éducation populaire. » Et de citer l’exemple de ce DJ de 35 ans, rencontré fin juin à Pouancé. « C’était la première fois de sa vie qu’il voyait du théâtre ! »
Donner le goût du théâtre aux enfants
Installée depuis plus de 30 ans, la compagnie de la Chaise rouge est aujourd’hui bien intégrée dans le territoire. « C’est parce qu’on a cette maison, estime Patrick Cosnet. On est chez nous, on est autonomes. C’est important parce qu’on est libre de penser, on ne risque pas d’être mis dehors à cause d’un changement de majorité municipale. » D’abord locataire, la compagnie a créé une SAS (société par actions simplifiée) pour racheter le lieu en 2004. « Plus de 50 personnes ont mis des sous dedans », précise-t-il.
Pour le moment, la compagnie travaille main dans la main avec la commune nouvelle d’Ombrée-d’Anjou, dont fait partie Pouancé, pour la programmation du festival "Ombrée Lumières". Créé en 2021, il accueille chaque année 1 500 écoliers et collégiens de la commune. La compagnie dirige également l’école de théâtre La Pépinière. « La scène crée un espace où les jeunes peuvent parler de leurs soucis, de ce qui les tracasse, faire sortir leur colère. »
Mais son activité va parfois au-delà du théâtre. Chaque année, la compagnie emmène des collégiens planter des arbres chez des agriculteurs, en lien avec son dernier spectacle, "L’Arbre qui plantait des hommes". Une manière de les sensibiliser. « Je pense que si chez eux on arrache des arbres, ça va barder, espère-t-il. Quand on arrache un arbre de 200 ans sans émotion, on est devenus des bêtes… Pire que des bêtes, parce que même les bêtes ont des émotions. »
« L’année dernière encore, 23 000 kilomètres de haies ont été abattus en France, se lamente-t-il. Et on en replante seulement 8 000 par an. C’est vraiment catastrophique. D’autant plus que les arbres meurent du réchauffement. Regardez cet arbre-là, il fait une descente de cime », dit-il en désignant par la fenêtre les branches nues au sommet d’un néflier.
Changer de modèle, une question de survie
« Il faut que les agriculteurs se remettent à travailler avec la nature, et non contre la nature. Sinon, nos petits-enfants mourront de faim et de violence avec le reste du monde. Parce que le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité font qu’une partie du monde n’aura plus à manger, donc elle va venir chez nous. Il faudra qu’on s’accueille d’une manière ou d’une autre, sinon on va s’entretuer. »
« Aujourd’hui, soit on change, soit on meurt, conclut-il. Ce n’est même plus une question politique, c’est une question de survie humaine. » Mais Patrick Cosnet garde espoir : « Depuis le Covid, on voit passer beaucoup de gens, notamment des jeunes qui ont fait de grandes études, qui rêvent de créer des lieux comme ça, de retrouver du sens, de revenir à la nature. Ils sentent bien que quelque chose ne va pas. »
Tant et si bien que Les Amis de l’Herberie, la SAS qui détient le site de la Chaise rouge, ont décidé de transmettre le lieu. L’appel a été lancé en juin 2024. « On arrive à un âge respectable et on aimerait se poser un peu, explique le comédien de 68 ans. On a besoin d’énergies nouvelles pour développer de nouveaux projets dans ce tiers-lieu, qui est un outil formidable. » Même si le lieu change de mains, la compagnie de la Chaise rouge, elle, continuera d’y jouer.
Marion Bastit.
Mais son activité va parfois au-delà du théâtre. Chaque année, la compagnie emmène des collégiens planter des arbres chez des agriculteurs, en lien avec son dernier spectacle, "L’Arbre qui plantait des hommes". Une manière de les sensibiliser. « Je pense que si chez eux on arrache des arbres, ça va barder, espère-t-il. Quand on arrache un arbre de 200 ans sans émotion, on est devenus des bêtes… Pire que des bêtes, parce que même les bêtes ont des émotions. »
« L’année dernière encore, 23 000 kilomètres de haies ont été abattus en France, se lamente-t-il. Et on en replante seulement 8 000 par an. C’est vraiment catastrophique. D’autant plus que les arbres meurent du réchauffement. Regardez cet arbre-là, il fait une descente de cime », dit-il en désignant par la fenêtre les branches nues au sommet d’un néflier.
Changer de modèle, une question de survie
« Il faut que les agriculteurs se remettent à travailler avec la nature, et non contre la nature. Sinon, nos petits-enfants mourront de faim et de violence avec le reste du monde. Parce que le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité font qu’une partie du monde n’aura plus à manger, donc elle va venir chez nous. Il faudra qu’on s’accueille d’une manière ou d’une autre, sinon on va s’entretuer. »
« Aujourd’hui, soit on change, soit on meurt, conclut-il. Ce n’est même plus une question politique, c’est une question de survie humaine. » Mais Patrick Cosnet garde espoir : « Depuis le Covid, on voit passer beaucoup de gens, notamment des jeunes qui ont fait de grandes études, qui rêvent de créer des lieux comme ça, de retrouver du sens, de revenir à la nature. Ils sentent bien que quelque chose ne va pas. »
Tant et si bien que Les Amis de l’Herberie, la SAS qui détient le site de la Chaise rouge, ont décidé de transmettre le lieu. L’appel a été lancé en juin 2024. « On arrive à un âge respectable et on aimerait se poser un peu, explique le comédien de 68 ans. On a besoin d’énergies nouvelles pour développer de nouveaux projets dans ce tiers-lieu, qui est un outil formidable. » Même si le lieu change de mains, la compagnie de la Chaise rouge, elle, continuera d’y jouer.
Marion Bastit.