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« Nous sommes enfants de paysans intimement et profondément liés à ce milieu qui nous a construits. Nous avons grandi au milieu des champs, entourés d’animaux que nous aimions, le contact étroit avec la nature et les saisons nous ont émerveillés. Nos parents ont su nous transmettre leur fierté d’exercer ce métier, de nourrir la population, d’entretenir les paysages et d’être utiles à tous. Nous n’avons jamais douté de l’attachement des Français à leurs paysans.
Enfants nous avons aidé nos parents que nous avons vu travailler encore et encore, jamais nous ne sommes partis en vacances avec eux.
Nous avons été choqués de leurs revenus indécents fixés par les cours des marchés, au vu des heures de labeur effectuées. Nous avons mal vécu le confinement hors nature d’animaux et l’industrialisation de l’agriculture même si dans un premier temps elle a sorti certains de la misère.
Nous avons été révoltés face à ce modèle agricole de toujours plus de productivité, de toujours plus d’investissements qui a conduit à des situations dramatiques d’endettement , de désespoir et de suicides (un par jour en 2019). Nous avons vu des agriculteurs pieds et poings liés à leurs coopératives, lésés par elles et par les banques qu’ils avaient eux- mêmes créées.
Nous avons assisté à la désertification des campagnes, à plus de solitude dans les fermes. Nous avons été consternés par les effets dévastateurs de la dérégulation des marchés, des traités de libre échange, des critères d’attribution de la PAC ( Politique Agricole Commune). Les agriculteurs ont perçu des aides pour mettre des terres en jachère, eux qui mettaient un point d’honneur à vivre de leur travail.
Nous avons vu nos parents recourir à la chimie, sans protection aucune au départ, sans qu’ils sachent qu’ils s’empoisonnaient, qu’on leur mentait que c’était dangereux aussi pour leurs enfants, leurs voisins, pour l’environnement et la biodiversité. L’air, l’eau, la terre, la nourriture sont ainsi pollués. Nous sommes de ceux qui ont du chagrin de la disparition des abeilles, des vers de terre, des oiseaux… et qui ont été meurtris quand nos proches ont été malades (1).
Nous sommes de ceux qui se réjouissent quand des voix s’élèvent pour remettre en cause ce monde là, quand des agriculteurs conventionnels s’interrogent sur leurs pratiques avec le souci de bien faire, quand certains se convertissent au bio. Nous savons que ce n’est pas facile d’intégrer d’autres schémas mais nous voyons combien ceux qui ont franchi le pas s’en portent mieux.
Et là, alors que nous vivons une période inédite dans notre histoire avec cette pandémie, alors que la santé est devenue une valeur centrale pour nous, nous découvrons que 25 préfets, pendant notre confinement, ont pris la décision indigne de réduire de moitié les distances d’épandage de pesticides décidées par le gouvernement fin 2019 ! Ils font fi des alertes des médecins et des scientifiques qui ont récemment établi les liens entre pollution de l’air et Coronavirus (baisse de l’immunité, aggravation des détresses respiratoires)(2).
Qui les écoute? La santé des enfants de riverains confinés, des personnes vulnérables va être mise à mal par les épandages qui vont débuter bientôt. Ces préfets appliquent les chartes écrites par la seule FNSEA, là où des concertations locales devaient avoir lieu avec des représentants des riverains et des citoyens.
Nous qui sommes issus de ce milieu paysan, irons nous jusqu’à éprouver de la honte devant les prises de position de certains qui furent des nôtres et qui sont aujourd’hui dirigeants de ce syndicat ? Non , nous sommes indignés, la honte doit changer de camp.
Honte aux industries de la chimie et de l’agro-alimentaire qui se moquent de la santé des paysans, premières victimes, et des citoyens, en toute connaissance de cause, à la seule recherche de leurs profits. Ce sont les mêmes qui nous empoisonnent et qui fournissent ensuite les traitements pour nous soigner.
Honte à ce gouvernement qui a un double discours : protégez -vous d’un côté et nous prenons des décisions qui vont gravement vous nuire de l’autre. 14 393 morts du coronavirus ce 13 avril en France, mais combien de la pollution de l’air ?
A un moment où il est si précieux de prendre soin les uns des autres, de faire preuve d’empathie et de solidarité, il y a un espoir qui nous porte, celui de changer ce monde là. Beaucoup de paysans se posent des questions et veulent sortir de ce modèle qui les piège. C’est à nous tous de les soutenir, de leur dire que nous les y aiderons en changeant nos habitudes de consommation (achats locaux, circuits courts), en acceptant de payer le juste prix de notre nourriture, en demandant un accompagnement des agriculteurs vers cette transition.
Nous enfants, petits enfants, frères, sœurs, amis des paysans nous partagerons alors leur joie légitime de pouvoir vivre décemment de leur travail en étant respectueux de la santé, de la nature, et de se sentir soutenus et fiers de leur métier. »
Nous enfants de paysans,
13 Avril 2020
(1) Ouest-France, 10 avril 2018 : Pesticides en France. Un rapport accablant, mais peu d’ambition
franceinfo, 8 janvier 2020 : Augmentation des ventes de pesticides en 2018 : "Un échec patent" et "une preuve que les pratiques ne changent pas"
(2) Le Monde, 30 mars 2020 : Coronavirus : la pollution de l’air est un « facteur aggravant », alertent médecins et chercheurs
Enfants nous avons aidé nos parents que nous avons vu travailler encore et encore, jamais nous ne sommes partis en vacances avec eux.
Nous avons été choqués de leurs revenus indécents fixés par les cours des marchés, au vu des heures de labeur effectuées. Nous avons mal vécu le confinement hors nature d’animaux et l’industrialisation de l’agriculture même si dans un premier temps elle a sorti certains de la misère.
Nous avons été révoltés face à ce modèle agricole de toujours plus de productivité, de toujours plus d’investissements qui a conduit à des situations dramatiques d’endettement , de désespoir et de suicides (un par jour en 2019). Nous avons vu des agriculteurs pieds et poings liés à leurs coopératives, lésés par elles et par les banques qu’ils avaient eux- mêmes créées.
Nous avons assisté à la désertification des campagnes, à plus de solitude dans les fermes. Nous avons été consternés par les effets dévastateurs de la dérégulation des marchés, des traités de libre échange, des critères d’attribution de la PAC ( Politique Agricole Commune). Les agriculteurs ont perçu des aides pour mettre des terres en jachère, eux qui mettaient un point d’honneur à vivre de leur travail.
Nous avons vu nos parents recourir à la chimie, sans protection aucune au départ, sans qu’ils sachent qu’ils s’empoisonnaient, qu’on leur mentait que c’était dangereux aussi pour leurs enfants, leurs voisins, pour l’environnement et la biodiversité. L’air, l’eau, la terre, la nourriture sont ainsi pollués. Nous sommes de ceux qui ont du chagrin de la disparition des abeilles, des vers de terre, des oiseaux… et qui ont été meurtris quand nos proches ont été malades (1).
Nous sommes de ceux qui se réjouissent quand des voix s’élèvent pour remettre en cause ce monde là, quand des agriculteurs conventionnels s’interrogent sur leurs pratiques avec le souci de bien faire, quand certains se convertissent au bio. Nous savons que ce n’est pas facile d’intégrer d’autres schémas mais nous voyons combien ceux qui ont franchi le pas s’en portent mieux.
Et là, alors que nous vivons une période inédite dans notre histoire avec cette pandémie, alors que la santé est devenue une valeur centrale pour nous, nous découvrons que 25 préfets, pendant notre confinement, ont pris la décision indigne de réduire de moitié les distances d’épandage de pesticides décidées par le gouvernement fin 2019 ! Ils font fi des alertes des médecins et des scientifiques qui ont récemment établi les liens entre pollution de l’air et Coronavirus (baisse de l’immunité, aggravation des détresses respiratoires)(2).
Qui les écoute? La santé des enfants de riverains confinés, des personnes vulnérables va être mise à mal par les épandages qui vont débuter bientôt. Ces préfets appliquent les chartes écrites par la seule FNSEA, là où des concertations locales devaient avoir lieu avec des représentants des riverains et des citoyens.
Nous qui sommes issus de ce milieu paysan, irons nous jusqu’à éprouver de la honte devant les prises de position de certains qui furent des nôtres et qui sont aujourd’hui dirigeants de ce syndicat ? Non , nous sommes indignés, la honte doit changer de camp.
Honte aux industries de la chimie et de l’agro-alimentaire qui se moquent de la santé des paysans, premières victimes, et des citoyens, en toute connaissance de cause, à la seule recherche de leurs profits. Ce sont les mêmes qui nous empoisonnent et qui fournissent ensuite les traitements pour nous soigner.
Honte à ce gouvernement qui a un double discours : protégez -vous d’un côté et nous prenons des décisions qui vont gravement vous nuire de l’autre. 14 393 morts du coronavirus ce 13 avril en France, mais combien de la pollution de l’air ?
A un moment où il est si précieux de prendre soin les uns des autres, de faire preuve d’empathie et de solidarité, il y a un espoir qui nous porte, celui de changer ce monde là. Beaucoup de paysans se posent des questions et veulent sortir de ce modèle qui les piège. C’est à nous tous de les soutenir, de leur dire que nous les y aiderons en changeant nos habitudes de consommation (achats locaux, circuits courts), en acceptant de payer le juste prix de notre nourriture, en demandant un accompagnement des agriculteurs vers cette transition.
Nous enfants, petits enfants, frères, sœurs, amis des paysans nous partagerons alors leur joie légitime de pouvoir vivre décemment de leur travail en étant respectueux de la santé, de la nature, et de se sentir soutenus et fiers de leur métier. »
Nous enfants de paysans,
13 Avril 2020
(1) Ouest-France, 10 avril 2018 : Pesticides en France. Un rapport accablant, mais peu d’ambition
franceinfo, 8 janvier 2020 : Augmentation des ventes de pesticides en 2018 : "Un échec patent" et "une preuve que les pratiques ne changent pas"
(2) Le Monde, 30 mars 2020 : Coronavirus : la pollution de l’air est un « facteur aggravant », alertent médecins et chercheurs