Cette interview mensuelle est réalisée en lien avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE. Retrouvez ci-dessous, après l'article, les thèmes sur l'exclusion analysés par nos précédents invités.
Comment s’organise le premier accueil des demandeurs d’asile dès qu’ils arrivent en France ?
Ils doivent très rapidement faire une demande d’admission de séjour au titre de l’asile ainsi qu’une demande d’hébergement et de prise en charge car il s’agit le plus souvent de personnes sans ressources. Ils n’ont pas droit au travail ni à l'aide sociale en dehors des aides spécifiques liées à la demande d’asile. Nous devons alors intervenir en urgence, aux côtés d’autres associations, plus spécifiquement sur leur accompagnement social, sanitaire et leurs conditions d’hébergement.
Une loi a été votée en juillet 2015 réformant la procédure d’asile, les modalités d’accueil et d’orientation des demandeurs d’asile. Quel impact constatez-vous sur le terrain?
La loi a fixé des objectifs ambitieux au secteur associatif, à savoir de proposer un premier accueil dans un délai de trois jours ! Il y a des améliorations dans les territoires peu en tension mais dans des régions comme l’Île-de-France et Paris, les personnes doivent toujours attendre quatre à cinq mois pour obtenir un rendez-vous, entre le moment où elles font leur demande d’asile auprès des plates-formes et la prise de rendez-vous qui leur permet d’obtenir une admission au séjour en France au titre de l’asile. Les associations adhérentes de la Fnars gèrent un grand nombre de ces plates-formes de premier accueil.
Certes, elles ont fait l’objet d’un renouvellement, par le biais d’un cahier des charges national mais sans qu’aucun moyen supplémentaire ne leur soit attribué. Pire : les missions d’accueil sont devenues des missions de pure information et de traitement administratif des demandes. La plus-value de ces plates-formes était jusqu'à présent, de détecter la vulnérabilité et la détresse sociale, psychologique, sanitaire des personnes. Les parcours de migration sont souvent très durs. Les personnes ont parfois subi persécutions, violences, situations de guerre et de conflits. Nous constatons que ces missions se sont fortement dégradées.
Qu’en est-il de l’hébergement ? Le gouvernement a annoncé la création de nouvelles places en cada…
Effectivement, ces centres d’accueil pour demandeurs d’asile proposent aujourd’hui 50 000 places d'accueil et ce chiffre devrait être porté à 60 800 d'ici à 2017. Mais c'est un chiffre qui demeure insuffisant au regard des flux. Nous avons en effet accueilli 80 000 demandeurs d'asile en 2015, soit 17 000 de plus en un an…. Sans compter qu’en parallèle, l'Etat a baissé le prix de journée des associations, qui passe de 24 €, par jour et par personne, à 19,50 € ce qui implique une baisse du taux d'encadrement et de la qualité de cet accompagnement en cada.
Ils doivent très rapidement faire une demande d’admission de séjour au titre de l’asile ainsi qu’une demande d’hébergement et de prise en charge car il s’agit le plus souvent de personnes sans ressources. Ils n’ont pas droit au travail ni à l'aide sociale en dehors des aides spécifiques liées à la demande d’asile. Nous devons alors intervenir en urgence, aux côtés d’autres associations, plus spécifiquement sur leur accompagnement social, sanitaire et leurs conditions d’hébergement.
Une loi a été votée en juillet 2015 réformant la procédure d’asile, les modalités d’accueil et d’orientation des demandeurs d’asile. Quel impact constatez-vous sur le terrain?
La loi a fixé des objectifs ambitieux au secteur associatif, à savoir de proposer un premier accueil dans un délai de trois jours ! Il y a des améliorations dans les territoires peu en tension mais dans des régions comme l’Île-de-France et Paris, les personnes doivent toujours attendre quatre à cinq mois pour obtenir un rendez-vous, entre le moment où elles font leur demande d’asile auprès des plates-formes et la prise de rendez-vous qui leur permet d’obtenir une admission au séjour en France au titre de l’asile. Les associations adhérentes de la Fnars gèrent un grand nombre de ces plates-formes de premier accueil.
Certes, elles ont fait l’objet d’un renouvellement, par le biais d’un cahier des charges national mais sans qu’aucun moyen supplémentaire ne leur soit attribué. Pire : les missions d’accueil sont devenues des missions de pure information et de traitement administratif des demandes. La plus-value de ces plates-formes était jusqu'à présent, de détecter la vulnérabilité et la détresse sociale, psychologique, sanitaire des personnes. Les parcours de migration sont souvent très durs. Les personnes ont parfois subi persécutions, violences, situations de guerre et de conflits. Nous constatons que ces missions se sont fortement dégradées.
Qu’en est-il de l’hébergement ? Le gouvernement a annoncé la création de nouvelles places en cada…
Effectivement, ces centres d’accueil pour demandeurs d’asile proposent aujourd’hui 50 000 places d'accueil et ce chiffre devrait être porté à 60 800 d'ici à 2017. Mais c'est un chiffre qui demeure insuffisant au regard des flux. Nous avons en effet accueilli 80 000 demandeurs d'asile en 2015, soit 17 000 de plus en un an…. Sans compter qu’en parallèle, l'Etat a baissé le prix de journée des associations, qui passe de 24 €, par jour et par personne, à 19,50 € ce qui implique une baisse du taux d'encadrement et de la qualité de cet accompagnement en cada.
De nombreux demandeurs d'asile sont à la rue
Pourtant, l’Allemagne est parvenue à accueillir près d’un million de migrants en 2015 !
Il est vrai que ce flux ne devrait pas être insurmontable pour la France au regard de l’effort accompli par d'autres pays de l'Union européenne. C’est néanmoins un flux supplémentaire et notre parc d’accueil demeure sous-dimensionné pour les demandeurs d’asile. D’autant qu’est prévu d'ici à 2017, l’accueil de 30 000 migrants au titre du programme européen de répartition, dit de relocalisation, en plus du flux de personnes de droit commun de l'asile. C’est un engagement pris par le président de la République… Et les migrants de Calais demandant l'asile qu'il convient d'orienter vers les cada… Avec tous ces flux annoncés, les associations continuent de courir, en essayant de trouver des solutions d’accueil, sans avoir les moyens d'anticiper.
Qu’en est-il des créations de place, annoncées par le gouvernement, en CPH centres provisoires d'hébergement dédiés aux personnes réfugiées ?
Il est question de créer 500 places de plus dans un parc actuellement constitué de 1000 places : c'est bien mais grandement insuffisant compte tenu des enjeux et des flux de personnes. Rappelons que ces CPH accueillent des personnes qui ont obtenu le statut d’asile mais qui, pour des raisons de difficultés sociales et des pénuries du parc de logements sociaux, n'arrivent pas à accéder directement au logement. Elles ont donc besoin d'être hébergées quelques mois.
Comment vivent actuellement les demandeurs d’asile ?
Seulement un tiers d’entre eux est hébergé en cada qui est pourtant un dispositif de droit commun comme la loi le mentionne. Vient en complément l'huda, hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile, un parc relativement dégradé, constitué surtout d'hôtels situés dans les grandes villes. Mais de nombreux demandeurs d'asile sont à la rue, dans des campements, notamment à Paris ou à Calais, ou dans des centres d'hébergement et d'accueil des personnes sans abri. Fin 2014, 22 800 demandeurs d'asile n'avaient aucun hébergement. La France se révèle incapable de mettre en œuvre ses engagements internationaux et de proposer un hébergement et un accompagnement aux demandeurs d'asile qui demandent une protection à la France, et ce, le temps de leur procédure.
Il est vrai que ce flux ne devrait pas être insurmontable pour la France au regard de l’effort accompli par d'autres pays de l'Union européenne. C’est néanmoins un flux supplémentaire et notre parc d’accueil demeure sous-dimensionné pour les demandeurs d’asile. D’autant qu’est prévu d'ici à 2017, l’accueil de 30 000 migrants au titre du programme européen de répartition, dit de relocalisation, en plus du flux de personnes de droit commun de l'asile. C’est un engagement pris par le président de la République… Et les migrants de Calais demandant l'asile qu'il convient d'orienter vers les cada… Avec tous ces flux annoncés, les associations continuent de courir, en essayant de trouver des solutions d’accueil, sans avoir les moyens d'anticiper.
Qu’en est-il des créations de place, annoncées par le gouvernement, en CPH centres provisoires d'hébergement dédiés aux personnes réfugiées ?
Il est question de créer 500 places de plus dans un parc actuellement constitué de 1000 places : c'est bien mais grandement insuffisant compte tenu des enjeux et des flux de personnes. Rappelons que ces CPH accueillent des personnes qui ont obtenu le statut d’asile mais qui, pour des raisons de difficultés sociales et des pénuries du parc de logements sociaux, n'arrivent pas à accéder directement au logement. Elles ont donc besoin d'être hébergées quelques mois.
Comment vivent actuellement les demandeurs d’asile ?
Seulement un tiers d’entre eux est hébergé en cada qui est pourtant un dispositif de droit commun comme la loi le mentionne. Vient en complément l'huda, hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile, un parc relativement dégradé, constitué surtout d'hôtels situés dans les grandes villes. Mais de nombreux demandeurs d'asile sont à la rue, dans des campements, notamment à Paris ou à Calais, ou dans des centres d'hébergement et d'accueil des personnes sans abri. Fin 2014, 22 800 demandeurs d'asile n'avaient aucun hébergement. La France se révèle incapable de mettre en œuvre ses engagements internationaux et de proposer un hébergement et un accompagnement aux demandeurs d'asile qui demandent une protection à la France, et ce, le temps de leur procédure.
Donner une vie digne aux milliers de personnes déboutées
On sait que seulement 30 % des personnes qui demandent l'asile obtiennent le statut de réfugié. Que deviennent les 70 % qui sont déboutés ?
Il y a une position dans notre pays qui consiste à dire : « Accueillons les migrants politiques, les migrants économiques rentrent chez eux ! » C’est un peu simpliste car, dans les faits, on sait très bien que les migrants économiques ne rentrent pas chez eux tout simplement parce que l'Etat n'a pas les moyens de les reconduire ! Ces personnes, souvent des familles, se retrouvent dans des centres d'hébergement d’urgence, des hôtels au coût pharaonique. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et tout faire pour favoriser l'accès à l'emploi, au logement, à une vie digne de ces quelque 30 à 40 000 personnes qui sont soit disant déboutées et qui se maintiennent sur le territoire national. C'est une des raisons de la saturation des places d'hébergement en France !
Qu’en est-il de l’accueil en centres d’accueil et d’orientation (CAO) des migrants de Calais et de Dunkerque ?
Afin de parer aux conséquences du démantèlement du sud de la jungle de Calais, les services de l’Etat ont proposé depuis octobre 2015, aux exilés vivant à Calais et à Dunkerque, d’être orientés vers ces quelque cent CAO disséminés sur l’ensemble du territoire. Nous avons mené une enquête auprès de vingt-sept d’entre eux en février dernier. Elle met à jour d’importants dysfonctionnements avec, notamment, un taux de vacance de l’ordre de 20 % !
Nous avons découvert qu’un quart des personnes arrivant dans ces centres repartaient immédiatement. Tout simplement, parce que lorsqu’elles montent dans les bus, elles ignorent où on les emmène, ni quel type d’accompagnement va leur être proposé ou quels services, elles vont trouver sur place. Quant à celles qui acceptent de rester et qui demandent l’asile, elles y demeurent majoritairement plus de deux mois faute de places disponibles en cada… alors que la circulaire ne prévoyait qu’un mois.
Quelle est la position de la Fnars sur cette question ?
Nous soutenons les créations de centres de mise à l'abri car c'est le seul dispositif possible pour permettre aux personnes de la jungle de Calais de sortir par le haut et de demander l'asile en France dans les meilleures conditions. Mais ce dispositif mérite d'être amélioré. Il y a des failles qui sont liées aux ouvertures en urgence de ces centres sans information des personnes ni même une bonne articulation avec les équipes qui les accueillent. Notre enquête montre aussi que certains centres ont accueilli des personnes malades, sortant de la jungle et n'avaient pas été prévenus. Les personnes arrivent avec la gale, la tuberculose sans qu'il n'y ait d’équipe de soins sur place ni de diagnostic fait en amont. On est dans la précipitation… pas dans la prévention.
Interview recueillie par Tugdual Ruellan
Il y a une position dans notre pays qui consiste à dire : « Accueillons les migrants politiques, les migrants économiques rentrent chez eux ! » C’est un peu simpliste car, dans les faits, on sait très bien que les migrants économiques ne rentrent pas chez eux tout simplement parce que l'Etat n'a pas les moyens de les reconduire ! Ces personnes, souvent des familles, se retrouvent dans des centres d'hébergement d’urgence, des hôtels au coût pharaonique. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et tout faire pour favoriser l'accès à l'emploi, au logement, à une vie digne de ces quelque 30 à 40 000 personnes qui sont soit disant déboutées et qui se maintiennent sur le territoire national. C'est une des raisons de la saturation des places d'hébergement en France !
Qu’en est-il de l’accueil en centres d’accueil et d’orientation (CAO) des migrants de Calais et de Dunkerque ?
Afin de parer aux conséquences du démantèlement du sud de la jungle de Calais, les services de l’Etat ont proposé depuis octobre 2015, aux exilés vivant à Calais et à Dunkerque, d’être orientés vers ces quelque cent CAO disséminés sur l’ensemble du territoire. Nous avons mené une enquête auprès de vingt-sept d’entre eux en février dernier. Elle met à jour d’importants dysfonctionnements avec, notamment, un taux de vacance de l’ordre de 20 % !
Nous avons découvert qu’un quart des personnes arrivant dans ces centres repartaient immédiatement. Tout simplement, parce que lorsqu’elles montent dans les bus, elles ignorent où on les emmène, ni quel type d’accompagnement va leur être proposé ou quels services, elles vont trouver sur place. Quant à celles qui acceptent de rester et qui demandent l’asile, elles y demeurent majoritairement plus de deux mois faute de places disponibles en cada… alors que la circulaire ne prévoyait qu’un mois.
Quelle est la position de la Fnars sur cette question ?
Nous soutenons les créations de centres de mise à l'abri car c'est le seul dispositif possible pour permettre aux personnes de la jungle de Calais de sortir par le haut et de demander l'asile en France dans les meilleures conditions. Mais ce dispositif mérite d'être amélioré. Il y a des failles qui sont liées aux ouvertures en urgence de ces centres sans information des personnes ni même une bonne articulation avec les équipes qui les accueillent. Notre enquête montre aussi que certains centres ont accueilli des personnes malades, sortant de la jungle et n'avaient pas été prévenus. Les personnes arrivent avec la gale, la tuberculose sans qu'il n'y ait d’équipe de soins sur place ni de diagnostic fait en amont. On est dans la précipitation… pas dans la prévention.
Interview recueillie par Tugdual Ruellan
La Fnars : 870 associations de solidarité et 2 800 établissements
Présidée par Louis Gallois, la Fnars, Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, regroupe 870 associations de solidarité et 2 800 établissements d’accueil des plus démunis. Réseau généraliste de lutte contre les exclusions, elle promeut le travail social, facilite les échanges entre les acteurs du secteur et propose des évolutions des politiques publiques dans ses domaines d’expertise.
Elle agit principalement dans deux domaines :
la gestion de dispositifs d’accueil et d’hébergement des personnes en situation d’errance ou en grande difficulté, des sans abri ; la gestion des cada, centres d’accueil pour demandeurs d’asile ainsi qu’un grand nombre de plates-formes de premier accueil des demandeurs d’asile ;
l’insertion par l’activité économique avec 500 chantiers d’insertion et chantiers de remise en emploi de personnes en situation d’exclusion très éloignées du marché du travail.
Une enquête sur les centres d’accueil et d’orientation (CAO)
Florent Gueguen, directeur général de la Fnars depuis 2012
Florent Gueguen, 44 ans, conseiller social au cabinet du maire de Paris depuis 2008, a pris le poste de directeur général de la Fnars le 15 octobre 2012. Chargé de l’insertion professionnelle, de la lutte contre l’exclusion et de la protection de l’enfance à la mairie de Paris, Florent Gueguen a notamment mis en place le plan d’hébergement hivernal des personnes sans abri et suivi le programme 2008-2014 de création de 2 000 places d’hébergement d’urgence. Il s’est également investi dans l’insertion professionnelle de la capitale, via le Programme départemental d’insertion de Paris, le Plie et les structures d’insertion par l’activité économique.