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Dans le hall du théâtre municipal de Bragança, une affiche annonce « VESTIGIO », le prochain spectacle de Joana Providência. Elle est sereine et confiante. Le soleil entre à profusion à travers les grandes baies ouvertes sur la ville. Ses cheveux bouclés dansent dans la lumière. Ses yeux se perdent dans les souvenirs de l'enfance.
« Je dansais en faisant le ménage »
« Quand j'avais sept ans, ce que j'aimais le plus, c'était d'imaginer les danseurs et danseuses sur la scène, d'imaginer les mouvements d'une histoire que je me racontais. » Elle apprend la danse classique mais, alors qu'elle a neuf ans, ses parents veulent qu'elle arrête. Joana Providência marque une pause et ses doigts glissent sur la table.
Un sourire : « Je dansais en faisant le ménage... cela n'a pas échappé à ma mère ! »
La danse ne la quitte plus : elle étudie avec Fernanda Canossa, elle ne rate aucun spectacle de la compagnie de danse contemporaine Gulbenkian. C'est donc tout naturellement qu'elle monte à Lisbonne pour suivre un cours supérieur de danse à l'Insituto Politechnico. Elle participe au festival ACARTE.
Elle enchaîne spectacles, conférences, masterclass et se nourrit de cette façon de danser si différente de la danse classique Elle se souvient : « Les danseurs venaient du monde entier. Je pouvais assister à un spectacle et rester dans la salle en silence avec moi-même pendant deux heures sans bouger. La belge Anne Teresa De Keersmaeker m'a bouleversée. »
Un sourire : « Je dansais en faisant le ménage... cela n'a pas échappé à ma mère ! »
La danse ne la quitte plus : elle étudie avec Fernanda Canossa, elle ne rate aucun spectacle de la compagnie de danse contemporaine Gulbenkian. C'est donc tout naturellement qu'elle monte à Lisbonne pour suivre un cours supérieur de danse à l'Insituto Politechnico. Elle participe au festival ACARTE.
Elle enchaîne spectacles, conférences, masterclass et se nourrit de cette façon de danser si différente de la danse classique Elle se souvient : « Les danseurs venaient du monde entier. Je pouvais assister à un spectacle et rester dans la salle en silence avec moi-même pendant deux heures sans bouger. La belge Anne Teresa De Keersmaeker m'a bouleversée. »
« Je voulais parler du monde »
« J'ai compris que je ne pouvais pas être seulement un corps qui danse. J'ai senti cette nécessité d'être "en-dehors". Je voulais être ce regard sur ce qui se passe sur la scène. Je veux sculpter les corps, les mettre en mouvement. » Jour après jour, elle se laisse imprégner du monde qui l'entoure. Les idées se chevauchent, se bousculent, mûrissent et se transforment en chorégraphie. « Je voulais parler du monde, que cela vienne du plus profond de moi-même. »
En 1989, le spectacle "In tensões e Mecanismos" qu'elle a construit à la fin de son cours de danse circule au Portugal et en France. Avec "Sustine et Abstine", en 1991, elle participe au festival belge Klpastuck, ouvert aux jeunes créateurs. Depuis 1995, elle est membre de l'Académie Contemporaine du Spectacle en tant qu'enseignante et elle fait partie de la direction artistique de la compagnie Teatro do Bolhão à Porto.
En 1989, le spectacle "In tensões e Mecanismos" qu'elle a construit à la fin de son cours de danse circule au Portugal et en France. Avec "Sustine et Abstine", en 1991, elle participe au festival belge Klpastuck, ouvert aux jeunes créateurs. Depuis 1995, elle est membre de l'Académie Contemporaine du Spectacle en tant qu'enseignante et elle fait partie de la direction artistique de la compagnie Teatro do Bolhão à Porto.
L'inspiration d'autres artistes
Son métier de chorégraphe, elle le construit petit à petit. « Je travaille à partir de l'œuvre d'un artiste que je choisis. Je pars de l'idée qu'il a du monde. Il prend des chemins très riches, différents des miens. Il pense la vie avec sa vision. » Elle puise son inspiration chez Paula Rego ("Mão na boca" en 2004), Graça Morais ("Terra Quente, Terra Fria" en 2011) ou Alberto Carneiro ( "Territorio" en 2014 ). La recherche qu'elle entame, elle y associe les interprètes dans un dialogue construit autour de propositions.
Elle creuse avec eux les chemins de l'œuvre et la danse s'empare des mots, des images, de l'architecture de l'espace ainsi ouvert, des mises en scène du quotidien pour devenir chorégraphie à notre image.
En 2016, c'est Georges Dussaud qu'elle choisit. Elle sent l'humanité profonde qui se dégage des photos prises pendant trente ans par le photographe dans le Tras os Montes, la région rude du Nord du Portugal. En février 2017, la rencontre se fait. Georges et Christine Dussaud passent une semaine avec la chorégraphe. Les questions fusent, l'écoute est profonde.
Elle creuse avec eux les chemins de l'œuvre et la danse s'empare des mots, des images, de l'architecture de l'espace ainsi ouvert, des mises en scène du quotidien pour devenir chorégraphie à notre image.
En 2016, c'est Georges Dussaud qu'elle choisit. Elle sent l'humanité profonde qui se dégage des photos prises pendant trente ans par le photographe dans le Tras os Montes, la région rude du Nord du Portugal. En février 2017, la rencontre se fait. Georges et Christine Dussaud passent une semaine avec la chorégraphe. Les questions fusent, l'écoute est profonde.
Des danseurs plongés dans la vie des gens
« Georges connaissait Eugenia, la femme qui offre une poignée de sa récolte de châtaignes, le coiffeur de la rua de museo, les gitans lavant les rideaux des tombes avant la Toussaint, José Monteiro sous le portrait de son père. Il en parle comme si c'était sa propre vie, il est dans la photo qu'il a prise tant il est dans la vie des gens qu'il rencontre. Christine, sa femme, est à côté de lui. Elle lui rappelle les souvenirs, elle a sa vision. »
Après cette semaine dense en émotions, c'est évident pour Joana Providência que la terre du Tras Os Montes doit lui parler. Avec la troupe, elle écoute Eugenia, José, Maria, Deolinda et les autres. Les histoires s'agrippent à la mémoire des danseurs et fait surgir du fond de leur enfance leur propre histoire.
Ils parcourent la campagne, s'imprégnant de l'odeur des cognassiers. Leurs doigts suivent les rainures des écorces des vieux châtaigniers, la courbure de leurs troncs... Leurs oreilles suivent la voix du berger aux cinq chiens qui en quelques jappements rassemblent les brebis à la laine noire. Leurs yeux épousent la courbe des collines qui frémissent comme des vagues et la raideur des murs de schiste taillés au couteau.
Après cette semaine dense en émotions, c'est évident pour Joana Providência que la terre du Tras Os Montes doit lui parler. Avec la troupe, elle écoute Eugenia, José, Maria, Deolinda et les autres. Les histoires s'agrippent à la mémoire des danseurs et fait surgir du fond de leur enfance leur propre histoire.
Ils parcourent la campagne, s'imprégnant de l'odeur des cognassiers. Leurs doigts suivent les rainures des écorces des vieux châtaigniers, la courbure de leurs troncs... Leurs oreilles suivent la voix du berger aux cinq chiens qui en quelques jappements rassemblent les brebis à la laine noire. Leurs yeux épousent la courbe des collines qui frémissent comme des vagues et la raideur des murs de schiste taillés au couteau.
Alors est apparu VESTIGIO
Dans l'herbe haute, Joana, Raquel, António, Daniela, João, Vera et Maria s'allongent et déjà leur corps sait. Les histoires du temps passé se conjuguent au présent de cette terre rude aux "neuf mois d'hiver et trois mois d'enfer".
Retour à Porto. Premières improvisations au rythme des mots de Miguel Torga, l’écrivain né sur les hauts plateaux de Trás-os-Montes, ce "nid haut perché et agreste qui transmet l’élévation et l’âpreté" mais où "dans les petits villages, les bonnes et les mauvaises nouvelles passent par les fentes des murs" et où "il souffle dans ces montagnes un vent de désolation et de misère qui ne permet même pas aux bruyères de fleurir et aux troupeaux de paître."
Dans le spectacle VESTIGIO, les mots de Torga se mêlent à ceux d'Eugenia, de José et Deolinda. Ils s'arrêtent sur les photos de Georges Dussaud et amplifient leur humanité. L'émotion s'empare du corps des danseuses et des danseurs. L'improvisation devient narration dans les yeux de Joana Providencia. « Le regard de Georges Dussaud est vrai, c'est celui d'un monde vestige d'une vie et d'une histoire qui n'existent plus et celui d'une mémoire collective en train de disparaitre. Quand je travaille à partir de la création d'un artiste dont l'œuvre est riche d'humanisme et significative pour le monde, comme celle de Georges Dussaud, je me ré-invente. Le voyage que je fais c'est une rencontre avec moi-même, avec un regard nouveau. » Un voyage auquel VESTIGIO nous convie.
Marie-Anne Divet
Retour à Porto. Premières improvisations au rythme des mots de Miguel Torga, l’écrivain né sur les hauts plateaux de Trás-os-Montes, ce "nid haut perché et agreste qui transmet l’élévation et l’âpreté" mais où "dans les petits villages, les bonnes et les mauvaises nouvelles passent par les fentes des murs" et où "il souffle dans ces montagnes un vent de désolation et de misère qui ne permet même pas aux bruyères de fleurir et aux troupeaux de paître."
Dans le spectacle VESTIGIO, les mots de Torga se mêlent à ceux d'Eugenia, de José et Deolinda. Ils s'arrêtent sur les photos de Georges Dussaud et amplifient leur humanité. L'émotion s'empare du corps des danseuses et des danseurs. L'improvisation devient narration dans les yeux de Joana Providencia. « Le regard de Georges Dussaud est vrai, c'est celui d'un monde vestige d'une vie et d'une histoire qui n'existent plus et celui d'une mémoire collective en train de disparaitre. Quand je travaille à partir de la création d'un artiste dont l'œuvre est riche d'humanisme et significative pour le monde, comme celle de Georges Dussaud, je me ré-invente. Le voyage que je fais c'est une rencontre avec moi-même, avec un regard nouveau. » Un voyage auquel VESTIGIO nous convie.
Marie-Anne Divet