Vingt années de carrière, une dizaine de créations, des centaines d'amis, des milliers de spectateurs conquis et la voilà partie (voir notre vidéo ci-dessous). Finie la scène. Pour une fois, la conteuse Gigi Bigot ne fait pas que des heureux. Elle ne fait que des malheureux. Mais tous ceux-là poursuivent leur vie avec l'énergie intacte communiquée par ses textes et spectacles. La conteuse haute bretonne, très enracinée et en même temps totalement universelle, a toujours parlé à tous, surtout aux "gens de peu".
«Tous les jours j'ai à comprendre »
Aujourd'hui, pour tout connaître ou se souvenir de l'artiste, le mieux est encore de se rendre sur le site gigibigot.fr. Ou de se reporter à l'ouvrage "Peau d'âme" (Éditions Paradox, 10 €). On y trouve le texte du spectacle inspiré par l'histoire de femmes enfermées par les nazis au camp de Rieucros et aussi une interview dans laquelle Gigi Bigot s'exprime longuement. Extraits.
« Ce que je trouve génial dans la vie, c'est vraiment comment on avance. On ne saura jamais pourquoi on est sur terre. Ce dont je suis sûre, c'est que pour moi-même, simplement pour moi-même, tout sert à quelque chose dans mon chemin. Tous les jours je me construis et tous les jours j'ai à comprendre. »
« Quelque chose que je trouve essentiel : que ce soit un bébé, quelqu'un en prison, un malade, un handicapé, un vieux, c'est comment faire pour que chaque personne ait le plus possible la maîtrise de sa vie. »
« Ce que je trouve génial dans la vie, c'est vraiment comment on avance. On ne saura jamais pourquoi on est sur terre. Ce dont je suis sûre, c'est que pour moi-même, simplement pour moi-même, tout sert à quelque chose dans mon chemin. Tous les jours je me construis et tous les jours j'ai à comprendre. »
« Quelque chose que je trouve essentiel : que ce soit un bébé, quelqu'un en prison, un malade, un handicapé, un vieux, c'est comment faire pour que chaque personne ait le plus possible la maîtrise de sa vie. »
« L'art, c'est pour ne pas mourir »
À propos de " Peau d'âme" :
« À force de lire des contes, de les entendre, je me disais que ce n'était pas possible que ces contes aient pu exister dans toutes les cultures sans qu'il y ait une conscience aigüe de l'enfermement que l'on vit sur terre, ne serait-ce que dans le temps puisque l'on sait que l'on va mourir. »
« Globalement, dans mes spectacles de contes, j'espère que les gens en sortent plus vivants, plus concernés par leur vie, moins banalisant. L'art, pour moi, c'est ça : c'est donner du relief pour que les gens se sentent davantage acteurs de leur vie. Chacun n'en a qu'une à se mettre sous la dent, alors, tant qu'à faire, cherchons à ne pas la banaliser. »
« L'art, c'est les soins palliatifs; on est condamné à mort dès la naissance. L'art, c'est pour ne pas mourir, c'est pour être plus vivant. C'est pour ça qu'on a besoin de l'imaginaire." »
« À force de lire des contes, de les entendre, je me disais que ce n'était pas possible que ces contes aient pu exister dans toutes les cultures sans qu'il y ait une conscience aigüe de l'enfermement que l'on vit sur terre, ne serait-ce que dans le temps puisque l'on sait que l'on va mourir. »
« Globalement, dans mes spectacles de contes, j'espère que les gens en sortent plus vivants, plus concernés par leur vie, moins banalisant. L'art, pour moi, c'est ça : c'est donner du relief pour que les gens se sentent davantage acteurs de leur vie. Chacun n'en a qu'une à se mettre sous la dent, alors, tant qu'à faire, cherchons à ne pas la banaliser. »
« L'art, c'est les soins palliatifs; on est condamné à mort dès la naissance. L'art, c'est pour ne pas mourir, c'est pour être plus vivant. C'est pour ça qu'on a besoin de l'imaginaire." »
« Une militante du droit au rêve »
« Je suis devenue une militante du droit au rêve. »
« On peut le dire comme ça : c'est beau, oui, les "laissés pour contes". »
« C'est vraiment par gourmandise que je suis devenue conteuse. »
« On ne peut pas comprendre tout avec la réalité, avec l'informatif. C'est bien d'aller chercher des étoiles. »
À la question " Vos héros dans la vie? " Réponse : « Ceux qui ont "mal aux autres" » (comme dit Brel à propos des poètes).
« On peut le dire comme ça : c'est beau, oui, les "laissés pour contes". »
« C'est vraiment par gourmandise que je suis devenue conteuse. »
« On ne peut pas comprendre tout avec la réalité, avec l'informatif. C'est bien d'aller chercher des étoiles. »
À la question " Vos héros dans la vie? " Réponse : « Ceux qui ont "mal aux autres" » (comme dit Brel à propos des poètes).
"Peau d'âme" avec Michèle Buirette(Photo Richard Volante)
Subversif l'imaginaire ?
Désormais, Gigi Bigot va donc se consacrer à l'objet de sa recherche universitaire. Elle en a dit deux mots, l'autre soir, en partant. « Je veux creuser cette question : la parole de l'imaginaire, qu'est-ce-que ça fait aux gens ? Qu'est-ce que ça me fait à moi ? Quelle est cette parole dont tout le monde a besoin ? »
La grande question que se posent tous les conteurs. Elle a même fait l'objet d'un débat pendant la fête. L'imaginaire, a dit par exemple Pépito Matéo, le conteur et compagnon de Gigi, « c'est donner une autre version des faits, reconstruire les choses pour les rendre acceptables, donner cohérence au fracas qui est en nous ; créer l'image qui est absente, faire des écarts buissonniers, créer quelque chose qui n'existe pas ; c'est une ouverture interprétable par tout le monde, une invitation à continuer. »
Pépito Matéo a aussi cité Brecht : « Il faut garder l'idée intacte que le monde puisse changer. » En écho, un spectateur d'origine africaine a évoqué " Le viol de l'imaginaire" décrit par Aminata Traoré, l'ex-ministre malienne leader de l'altermondialisme en Afrique, à propos de la colonisation et du développement à l'européenne. Et de citer une anecdote : « Dans un village, on discute d'envoyer les enfants à l'école ; une femme s'approche : "Ils vont apprendre, oui, mais que vont-ils oublier ? " »
... Et c'est ainsi que l'on est passé des contes du pays gallo à la révolte des jeunes "Indignés".
Michel Rouger
La grande question que se posent tous les conteurs. Elle a même fait l'objet d'un débat pendant la fête. L'imaginaire, a dit par exemple Pépito Matéo, le conteur et compagnon de Gigi, « c'est donner une autre version des faits, reconstruire les choses pour les rendre acceptables, donner cohérence au fracas qui est en nous ; créer l'image qui est absente, faire des écarts buissonniers, créer quelque chose qui n'existe pas ; c'est une ouverture interprétable par tout le monde, une invitation à continuer. »
Pépito Matéo a aussi cité Brecht : « Il faut garder l'idée intacte que le monde puisse changer. » En écho, un spectateur d'origine africaine a évoqué " Le viol de l'imaginaire" décrit par Aminata Traoré, l'ex-ministre malienne leader de l'altermondialisme en Afrique, à propos de la colonisation et du développement à l'européenne. Et de citer une anecdote : « Dans un village, on discute d'envoyer les enfants à l'école ; une femme s'approche : "Ils vont apprendre, oui, mais que vont-ils oublier ? " »
... Et c'est ainsi que l'on est passé des contes du pays gallo à la révolte des jeunes "Indignés".
Michel Rouger