"Tout mon parcours et ce que je fais aujourd’hui, je le dois à Nan et Thomas... même s'ils ne veulent pas en convenir." Nan et Thomas Suel, un jeune couple du Nord de la France. Ils débarquent en 2000 pour un mois de vacances au Tchad dans la famille de Yankimadji. On leur « prête » la petite fille de 11 ans, déjà bien rodée aux tâches ménagères : elle nettoie, fait le café, va au marché et… à l’école. 7 kilomètres à parcourir, 100 élèves dans la classe de CM1 et, bien sûr, pas le temps de faire les devoirs.
« Nan et Thomas étaient surpris. Ils m’ont dit que je n’étais pas là pour faire le ménage, qu’on allait se réveiller à la même heure et partager le travail, qu’ils allaient m’aider pour mes devoirs, m’expliquer si je ne comprenais pas. Finalement, ils sont restés 9 mois. Cela a changé ma vie de "faire ensemble". »
Je voulais être excisée
Un jour, les parents de Yankimadji débarquent avec une demande : laisser partir en brousse la petite fille pour quatre semaines afin d’être excisée. Le chef de quartier, les membres de la communauté, le père, la mère, les oncles, les tantes, la voisine, tout le monde intervient auprès du jeune couple. Sensibilisés à la question, Nan et Thomas Suel discutent, tiennent bon et promettent, en échange, de prendre en charge l’entretien de Yankimadji et ses études.
« Mais, moi, je voulais être excisée, je voulais ressembler aux autres filles. L’adolescence, je l’ai vécue seule car mes copines étaient excisées et pas moi. Elles n’avaient pas le droit de me révéler les secrets. Je me disais : j’aurais besoin d’un mari, d’un foyer, des enfants et si je rate cela, comment je vais faire pour le reste de ma vie ? Mon père a décidé autrement. Il avait une telle autorité que je me suis dit, je ne vais pas le faire, c’est raté pour moi, la décision est prise et je respecte. »
Bac + 5
Yankimadji est aussitôt inscrite dans une école privée et loge dans un foyer tenu par des religieuses. Ses parents viennent la voir un dimanche après-midi tous les deux mois.
« J’étais très contente : il y avait une bibliothèque, j’avais le temps d’étudier et avec les autres filles, on partageait les tâches ménagères. Nan et Thomas sont repartis en France mais j’allais les voir pendant les vacances. »
Bac en poche en 2009, se pose la question de la poursuite des études. Médecine la tente. Ses « parrains de cœur » lui conseillent d’étudier en Afrique afin de mieux connaître les maladies du continent. Finalement, c'est à l’Institut Supérieur de Management de Dakar qu'elle étudie pendant trois ans d’étude puis travaille pour Colgate. Elle comprend vite que le marketing n’est pas « ce qu’elle cherche dans la vie. » Dimension humaine, coopération et international, ces trois composantes, elle les trouve à Lille en 2012 en master Economie et Management à l’International et en 2013 en Ingénierie de Projets de Coopération.
Le monde selon les femmes
Formuler un projet, le défendre, le monter et trouver des financements, c’est l’un des objectifs de la formation qu’elle suit. Son projet, elle l’a en tête dès 2013 : Femmes et changement social en Afrique. L’idée est acceptée par son groupe de travail. L’aboutissement en sera, à Villeneuve d’Ascq, une conférence qui permettra de sensibiliser les acteurs et actrices de la Solidarité Internationale du Nord-Pas-de-Calais sur la situation des femmes en Afrique. Elle consolide son projet en suivant un stage de 6 mois dans une ONG belge « Le Monde selon les Femmes »
« J’ai eu la chance de travailler avec 12 femmes formidables qui essayaient de changer le monde. J’avais peur de prendre le risque de parler d’excision. Elles m’ont dit d’y aller parce que le sens profond de mon projet était bien là, lutter contre l’excision avec l’idée que cela passait par l’autonomie des femmes, les capacités et les compétences qu’elles pouvaient développer. »
Et si c'était "Le Tchad selon les Femmes" ?
Lutter contre les traditions, lutter contre l'excision, Yankimadji Rassembaye comprend très vite que cela ne peut se faire de façon frontale, qu’il ne faut pas, d’entrer de jeu, afficher l’objectif. Comment faire différemment ? Comment permettre aux matrones de gagner leur vie sans passer par l'excision ? Quels chemins emprunter pour atteindre le but ?
« Et si c’était « Le Tchad selon les femmes »… De quels changements rêvaient les Tchadiennes ? Je suis allée sur le terrain en 2019 pour voir ce qui se faisait déjà. Il me fallait trouver une ressource locale à mettre en avant afin de permettre le développement de nouvelles capacités.
Elle relie ses observations : le karité a le vent en poupe comme produit cosmétique en France et il pousse à l’état sauvage dans le sud du Tchad, les femmes savent préparer le beurre et le vendre au Sénégal, au Mali et au Burkina. Alors pourquoi pas au Tchad ?
Elle n’est pas cosméticienne ? Qu’à cela ne tienne, elle suit un an de formation et 6 mois de stage. Elle se rend en Afrique de l’Ouest et rencontre les femmes burkinabé avec qui elle développe un partenariat temporaire. Elles vont fournir en beurre de karité l'entreprise de fabrication de produits cosmétiques biologiques et équitables qu'elle vient de créer : Madjikarité. Plus tard, elle leur fera appel pour former les Tchadiennes.
Madjikarité, de Béthune au Tchad
Soutenue par l’association Dian’Gar (Femmes-Chefs), l’entreprise se développe sur le Nord de la France et écoule les produits dans un magasin partagé de Béthune, sur internet et via Artisans du Monde. Elle l’aide à se rendre sur place, comme en 2019, où elle rencontre les permanents de Caritas Suisse qui mènent des actions de développement sur le terrain avec, entre autres, la production de beurre de karité. Elle entreprend des démarches de partenariat avec l'association pour une labélisation bio. Par ailleurs, elle constate qu'au Tchad, on achète des crèmes transformées qui viennent de l’international. Son rêve ?
« Transférer ma petite entreprise là-bas, en utilisant mon savoir-faire et les ressources naturelles comme les arômes pour créer une ligne de cosmétiques tchadienne pour un prix accessible à toutes et tous. »
Ecoutez les tchadiennes
En ce mois de mai, elle devait partir au Tchad pour deux mois participer à la récolte des noix de karité avec les femmes. Les évènements liés à la mort du dictateur Idriss Déby ont compromis ce projet. L'occasion se représentera sûrement pour parler avec elles d’excision et aussi de leurs conditions de vie.
« Les maris sont des cultivateurs. Ils ont plusieurs femmes qui vont travailler pour eux dans les champs. Elles travaillent beaucoup et soutiennent la famille avec peu d’argent. La récolte et le traitement du karité, elles le font quand elles ont un peu de temps. Ma démarche est de faire en sorte que ce soit leur activité principale. Les maris ne seront pas contre, ni les chefs. Quand une femme ramène un revenu à la maison, cela se voit : les enfants vont à l’école, ils sont habillés et mangent à leur faim. »
De l'énergie à haute dose
Une des sœurs de Yankimadji Rassembaye est en deuxième année d’école de sage-femme. Elle espère qu’elle la rejoindra dans sa démarche, qu’elle pourra expliquer médicalement que les risques liés à l’excision ne sont pas une fatalité ni une préparation à accepter la souffrance.
Yankimadji Rassembaye n’a toujours pas osé aborder la question de l’excision avec sa mère.
« Je ne sais comment en parler avec elle. Elle pense toujours que j’ai été sacrifiée contrairement à mes cinq petites sœurs qui sont toutes excisées. Cela ne m’empêche pas d’avancer. J’ai de l’énergie à haute dose. Ma recette ? La chance que j’ai eue. Je me dis toujours : « Pourquoi moi ? ». Peut-être une mission qui m’est confiée, celle de pouvoir aider les générations futures, les jeunes filles qui ont en tête l’envie d’être excisées. De toute façon, avec ce que je sais, je ne peux pas me taire. »
Merci à Bernard et Doriane de Béthune pour cette riche rencontre |
"Le karité a changé ma vie"
POUR COMMANDER DU BEURRE DE KARITÉ
Pour prendre soin de soi et du Monde, maintenant, Yankimadji Rassembaye vous propose une gamme de produits cosmétiques biologiques. A retrouver sur le lien de MADJIKARITE.
«Madji» vient du «sar» une langue du sud du Tchad, qui signifie «bien», Madjikarité veut donc dire «les bienfaits du karité» ou encore traduit mot à mot: « karité quelque chose de bien». Les bienfaits du karité pour le corps, mais aussi pour l’autonomisation de la femme. On retrouve «Madji» dans mon prénom Yankimadji, qui veut dire «quelque chose de bien», j’ai voulu traduire en acte ce joli prénom que je porte pour donner du sens à ma lutte pour l’égalité, «Madjikarité» «quelque chose de bien».
Les vertus du beurre de karité
Naturellement riche en vitamine E et en acides gras, le beurre de karité possède des propriétés exceptionnelles pour les peaux délicates et sèches. Il est idéal pour nourrir, adoucir, protéger et revitaliser votre corps : talons, coudes, lèvres, cheveux secs et fatigués… Apaisant et réparateur, il est également très apprécié en soin après-soleil et apporte un réconfort immédiat.
Propriétés et bienfaits
Visage et corps
Le karité nourrit et répare les lèvres auxquelles il apporte une brillance naturelle. Il nourrit et hydrate le nez irrité par les allergies ou les rhumes. Le beurre de karité rend la peau saine, hydratée et lisse.
Soin des cheveux
Le karité protège les cheveux, il leur apporte douceur, brillance et volume.
Peaux très sensibles
Le karité hydrate et illumine durablement le visage et le corps grâce à sa concentration en vitamine F et E, recommandé aux peaux qui rougissent, à tendance allergique.
Grossesse et l’allaitement
Le karité prévient l’apparition et la formation des vergetures sur le ventre comme sur la poitrine et protège le bébé des rougeurs.
Sport
Le karité est très efficace sur les articulations des coudes et des genoux, le dessous des pieds et les talons. Appliqué sur la peau avant et après l’exercice physique, il la rend plus souple et atténue les callosités, permet une récupération rapide des muscles.