La preuve par les gestes
Allons-y sans craindre les longueurs. Trois heures pour renverser la table, c’est peu !
Trois heures de vie, de vivant, allons-y. Direct Action est un film pédagogique. Un outil d’aujourd’hui,
une sorte de film Capital comme un certain Marx en écrivit un, trop long, trop dur à lire aujourd’hui.
Ici on voit ! Ici, on comprend sans commentaires. La matière est brute : la farine, les adventices et la
graine précieuse, le fer, la forge et les cailloux qu’on lance à jets tendus contre des lacrymos à faire
chialer la salle.
Film indispensable.
Docu militant sans sous-titrage lourdingue ni regard démago (cf Ruffin !). Un document d’époque car
on est tous de cette époque, un film où certains d’entre nous guettent pour apercevoir en images
son frère, son fils ou sa fille, ses copains ou ses neveux, bref notre nous !
Direct Action nous met face à nous via un peuple décrié qui se lève, une part de nous qui sort du
confort et ne le dit pas : l’agit. On voit sans ennui aucun et en plan fixe les femmes et les hommes qui
refusent la religion de la Croissance, les oukazes boursofinanciers et l’agrocapitalisme à l’œuvre et en
complicité Etats/Syndicats (FNSEA ou pire).
Le film est lent, quasi contemplatif.
On peut contempler une lectrice qui lit à son cochon ravi (oui, un cochon caressé peut l’être) un
vade-mecum pour résister par le silence aux pièges d’un interrogatoire. Les flics ont toujours fait
plaider le vrai pour le faux et avancent avec les auditionnés pour les pousser à la faute. Alors, mentir
coûte que coûte ou se taire ? Le film plaide pour la seconde solution.
C’est un film des solutions.
De la pâte de pain qui se prépare avec les mains. Voir la pâte se faire en temps réel, on dirait du
Miquel Barcelo ! De la terre en train de devenir vase au blé qui devient pain.
Donc, retour aux fondamentaux.
À la parole, aux réunions, de Notre-Dame-des-landes aux champs poitevins de Sainte-Soline, ces
preuves que la parole radicale adjointe aux gestes peut arrêter la logique absurde, organiser le demi-
tour et sans amende honorable des pouvoirs, obtenir leur reddition en rase campagne. Espérons.
Comme on a espéré que Les Soulèvements de la terre destitués ne le soient pas. Ce que le docu ne dit
pas car réalisé avant le renvoi dans les cordes de Darmanin.
Voir la forge et le souffle sur le feu avec l’homme qui tourne la manivelle. Voir les deux veaux de
l’heure avancer lentement, maladroitement dans le chemin creux. Entendre les demi-mots des
fermiers et surtout les mots du ciel, les mots du vent, le geste répétitif de la femme bûcheronne qui
aiguise la tronçonneuse. Entendre les touches du magnifique piano désaccordé.
Voir la série des neuf billigs qui fument face caméra et le geste répété du crêpier somptueux qui nous
met l’eau à la bouche, le cidre aux lèvres et le baraté sans baratin. La révolution sera peut-être cela,
cette absence de mots, ce réel en train de se réaliser. Certes Direct Action aura du mal à créer ses
jardins partout dans les métropoles de dix millions d’habitants ou plus mais son utopie des images
réifie, concrétise, joint le geste aux gestes. La salle Piccoli du TNB était un mélange générationnel
heureux. Face au chemin barré de deux carcasses témoin des anciens barrages, la séquence
Intermission a heureusement permis à certains ayant sûrement lu Intermixion d’aller pisser et, ouf,
de revenir !
Docu de joie. Docu d’espérance et de gestes. Docu-geste !
Écouter, regarder. Les scènes sont filmées avec le moins possible de visages. Ce sont les mains qui
importent. Les gestes qui font et sont la révolution.
Filmé bas. Grand cadre.
Des images pures, belles, miraculeuses. On dirait que ça existerait puisque le film en est la preuve.
Gilles Cervera
Allons-y sans craindre les longueurs. Trois heures pour renverser la table, c’est peu !
Trois heures de vie, de vivant, allons-y. Direct Action est un film pédagogique. Un outil d’aujourd’hui,
une sorte de film Capital comme un certain Marx en écrivit un, trop long, trop dur à lire aujourd’hui.
Ici on voit ! Ici, on comprend sans commentaires. La matière est brute : la farine, les adventices et la
graine précieuse, le fer, la forge et les cailloux qu’on lance à jets tendus contre des lacrymos à faire
chialer la salle.
Film indispensable.
Docu militant sans sous-titrage lourdingue ni regard démago (cf Ruffin !). Un document d’époque car
on est tous de cette époque, un film où certains d’entre nous guettent pour apercevoir en images
son frère, son fils ou sa fille, ses copains ou ses neveux, bref notre nous !
Direct Action nous met face à nous via un peuple décrié qui se lève, une part de nous qui sort du
confort et ne le dit pas : l’agit. On voit sans ennui aucun et en plan fixe les femmes et les hommes qui
refusent la religion de la Croissance, les oukazes boursofinanciers et l’agrocapitalisme à l’œuvre et en
complicité Etats/Syndicats (FNSEA ou pire).
Le film est lent, quasi contemplatif.
On peut contempler une lectrice qui lit à son cochon ravi (oui, un cochon caressé peut l’être) un
vade-mecum pour résister par le silence aux pièges d’un interrogatoire. Les flics ont toujours fait
plaider le vrai pour le faux et avancent avec les auditionnés pour les pousser à la faute. Alors, mentir
coûte que coûte ou se taire ? Le film plaide pour la seconde solution.
C’est un film des solutions.
De la pâte de pain qui se prépare avec les mains. Voir la pâte se faire en temps réel, on dirait du
Miquel Barcelo ! De la terre en train de devenir vase au blé qui devient pain.
Donc, retour aux fondamentaux.
À la parole, aux réunions, de Notre-Dame-des-landes aux champs poitevins de Sainte-Soline, ces
preuves que la parole radicale adjointe aux gestes peut arrêter la logique absurde, organiser le demi-
tour et sans amende honorable des pouvoirs, obtenir leur reddition en rase campagne. Espérons.
Comme on a espéré que Les Soulèvements de la terre destitués ne le soient pas. Ce que le docu ne dit
pas car réalisé avant le renvoi dans les cordes de Darmanin.
Voir la forge et le souffle sur le feu avec l’homme qui tourne la manivelle. Voir les deux veaux de
l’heure avancer lentement, maladroitement dans le chemin creux. Entendre les demi-mots des
fermiers et surtout les mots du ciel, les mots du vent, le geste répétitif de la femme bûcheronne qui
aiguise la tronçonneuse. Entendre les touches du magnifique piano désaccordé.
Voir la série des neuf billigs qui fument face caméra et le geste répété du crêpier somptueux qui nous
met l’eau à la bouche, le cidre aux lèvres et le baraté sans baratin. La révolution sera peut-être cela,
cette absence de mots, ce réel en train de se réaliser. Certes Direct Action aura du mal à créer ses
jardins partout dans les métropoles de dix millions d’habitants ou plus mais son utopie des images
réifie, concrétise, joint le geste aux gestes. La salle Piccoli du TNB était un mélange générationnel
heureux. Face au chemin barré de deux carcasses témoin des anciens barrages, la séquence
Intermission a heureusement permis à certains ayant sûrement lu Intermixion d’aller pisser et, ouf,
de revenir !
Docu de joie. Docu d’espérance et de gestes. Docu-geste !
Écouter, regarder. Les scènes sont filmées avec le moins possible de visages. Ce sont les mains qui
importent. Les gestes qui font et sont la révolution.
Filmé bas. Grand cadre.
Des images pures, belles, miraculeuses. On dirait que ça existerait puisque le film en est la preuve.
Gilles Cervera