Grand tour
À la re-brousse
Un film portugais de Miguel Gomes. Film franco-italo-portugais mondial essentiellement asiatique.
Ah le grand tour sur soi que nous fait pratiquer Miguel Gomes. Le cinéaste nous perd et c’est volontaire ! Dans le temps, dans les lieux, dans les langues, dans les visages et même, but not the least, dans les amours !
Du noir et blanc parfait, esthétisant, pur aux virgules colorées d’une grande roue qui tourne à la seule force des bras ou des jambes d’hommes jeunes à moitié nus.
Le film de Gomes nous projette dans le cinéma, voilà un film de cinémas ! On peut penser à Fellini, au Fitzcarraldo d’Herzog, à tous les fêlés, wendersiens ou non. Ses fondus enchaînés nous ensorcellent, ses brousses, ses serpents qui foutent les jetons sous les rails où le voyageur groggy s’assoit, après que son wagon ait déraillé entre Bombay, Calcutta, Phnom-Penh ou Rangoon ! On lance les mots au hasard des mémoires car le spectateur n’est pas forcément adepte ni maniaque du Lonely-Planet !
Voyez comme on se perd !
Voyez comme Gomes nous dépayse !
Nous sommes entraînés dans un tourbillon. Les voyageurs, les travelers y trouveront leur compte. Aussi les architectes férus de tours au-dessus des fleuves et de villes qui grouillent, bruissent, dont les nuits chaudes transpirent sous les pales en paille qui vont et viennent. Aussi les durassiens car on entend prononcer la Cochinchine, luire les fronts. On entend les nuits de crapauds, les lianes et les bambous pas moins que des Notre-Dame d’arbres !
Oui c’est mieux que de la reconstitution, c’est de la transfiguration.
D’ailleurs le générique de fin est long, dont la beauté de la bande-son emporte. Car nous n’avons rien dit des valses de Strauss sur un ballet de deux roues enthousiastes, carrefour chinois ou d’Inde, allez savoir, il faudrait revoir le fim sauf que reste cette image folle des scooters et des tuks-tuks. C’est à la fois tous les clichés d’orient qui défilent mais si vite, si juste, si formellement plastiques que, pour peu, on redemanderait le combat de coq, les poupées thaïes ou les théâtres d’ombres ou Nô. Il n’a manqué qu’un sumo pour qu’on suffoque.
Le film est drôle entre un fiancé qui fuit sa fiancée dont leurs fiançailles sont vieilles de sept ans. Une nouvelle de Somerset Maugham a (bien) inspiré Miguel Gomes pour tourner un film de films. Toute l’histoire romanesque y passe, on a chaud des chaleurs de tropiques, on est entraînés dans les érections sensuelles d’Edward, nocturnes, et les naufrages navrants de fleuves remontés à contre-courant par Molly la têtue.
Film à contre-courant !
Remontez-le. C’est une joie formelle ! Une œuvre holistique, insensée, foldingue, joyeuse et triste comme un rêve ! Un ovni a dit l’amie, qui n’a pas tort sauf à aimer l’inidentifiable quand il embrouille le présent au passé, le maintenant au demains, les scooters aux sampans, les coolies à un postcolonialisme de chromo !
Gilles Cervera
À la re-brousse
Un film portugais de Miguel Gomes. Film franco-italo-portugais mondial essentiellement asiatique.
Ah le grand tour sur soi que nous fait pratiquer Miguel Gomes. Le cinéaste nous perd et c’est volontaire ! Dans le temps, dans les lieux, dans les langues, dans les visages et même, but not the least, dans les amours !
Du noir et blanc parfait, esthétisant, pur aux virgules colorées d’une grande roue qui tourne à la seule force des bras ou des jambes d’hommes jeunes à moitié nus.
Le film de Gomes nous projette dans le cinéma, voilà un film de cinémas ! On peut penser à Fellini, au Fitzcarraldo d’Herzog, à tous les fêlés, wendersiens ou non. Ses fondus enchaînés nous ensorcellent, ses brousses, ses serpents qui foutent les jetons sous les rails où le voyageur groggy s’assoit, après que son wagon ait déraillé entre Bombay, Calcutta, Phnom-Penh ou Rangoon ! On lance les mots au hasard des mémoires car le spectateur n’est pas forcément adepte ni maniaque du Lonely-Planet !
Voyez comme on se perd !
Voyez comme Gomes nous dépayse !
Nous sommes entraînés dans un tourbillon. Les voyageurs, les travelers y trouveront leur compte. Aussi les architectes férus de tours au-dessus des fleuves et de villes qui grouillent, bruissent, dont les nuits chaudes transpirent sous les pales en paille qui vont et viennent. Aussi les durassiens car on entend prononcer la Cochinchine, luire les fronts. On entend les nuits de crapauds, les lianes et les bambous pas moins que des Notre-Dame d’arbres !
Oui c’est mieux que de la reconstitution, c’est de la transfiguration.
D’ailleurs le générique de fin est long, dont la beauté de la bande-son emporte. Car nous n’avons rien dit des valses de Strauss sur un ballet de deux roues enthousiastes, carrefour chinois ou d’Inde, allez savoir, il faudrait revoir le fim sauf que reste cette image folle des scooters et des tuks-tuks. C’est à la fois tous les clichés d’orient qui défilent mais si vite, si juste, si formellement plastiques que, pour peu, on redemanderait le combat de coq, les poupées thaïes ou les théâtres d’ombres ou Nô. Il n’a manqué qu’un sumo pour qu’on suffoque.
Le film est drôle entre un fiancé qui fuit sa fiancée dont leurs fiançailles sont vieilles de sept ans. Une nouvelle de Somerset Maugham a (bien) inspiré Miguel Gomes pour tourner un film de films. Toute l’histoire romanesque y passe, on a chaud des chaleurs de tropiques, on est entraînés dans les érections sensuelles d’Edward, nocturnes, et les naufrages navrants de fleuves remontés à contre-courant par Molly la têtue.
Film à contre-courant !
Remontez-le. C’est une joie formelle ! Une œuvre holistique, insensée, foldingue, joyeuse et triste comme un rêve ! Un ovni a dit l’amie, qui n’a pas tort sauf à aimer l’inidentifiable quand il embrouille le présent au passé, le maintenant au demains, les scooters aux sampans, les coolies à un postcolonialisme de chromo !
Gilles Cervera